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le cap des Tempêtes ; Vasco de Gama le double et pénètre dans la mer des Indes ; Magellan et son pilote basque, Sébastien del Cano, font le premier voyage autour du monde ; les Cabot, Jacques Cartier, Francis Drake, Hudson, Willoughby et tant d’autres vont de tous côtés, cherchant des empires ou un trajet plus direct vers l’Inde et la Chine par le nord de l’Amérique. La navigation et la géographie ont provoqué les premières observations relatives à la mer. Chaque peuple, qui voyait avec raison un concurrent dans chaque autre peuple, a le plus grand soin de garder le secret de ses découvertes. Le navire carthaginois que suit le bateau romain plus fort que lui, n’hésite pas à se jeter à la côte et à se briser sur les rochers, plutôt que d’enseigner la route du pays de l’étain ; Vasco de Gama, sur son vaisseau de guerre, massacre l’équipage et les passagers du pauvre boutre arabe chargé de pèlerins qu’il trouve dans la mer des Indes. Cependant, malgré tous les efforts, les faits dont on peut tirer parti se divulguent lentement, se répandent, tombent aux oreilles des savans qui les coordonnent et les propagent avec la puissance qu’a créée à la vérité l’art de l’imprimerie qui vient de naître.

L’intérêt et la curiosité s’éveillent à mesure que les connaissances se développent. L’ère des découvertes géographiques passe parce qu’il n’y a plus d’empires à conquérir ; les compétitions s’éteignent d’elles-mêmes et une période s’ouvre pendant laquelle les peuples se prennent de passion pour l’histoire naturelle tandis que les individus portent fièrement le titre de naturalistes. Les voyageurs ont visité des îles et des continens inconnus, leurs yeux ont été émerveillés, on désire à présent dresser l’inventaire des curiosités qu’ils renferment ; on ne pense pas immédiatement à quoi cela servira, on se borne à savoir que cela existe, que les formes des plantes et des animaux sont bizarres, et cela suffit pour qu’on s’y intéresse. C’est l’époque de l’enthousiasme. Du milieu du siècle dernier jusque vers le milieu du siècle actuel, on s’éprend d’idées sociales, d’idées politiques, d’art, de littérature, de science et même de géographie ; on se passionne pour tout ; on jouit sans presque s’en douter, comme les enfans de leur enfance, du suprême bonheur d’avoir une foi, d’en avoir plutôt deux ou trois qu’une seule. De même qu’on se lançait gaiement et vaillamment à la découverte de ce pays d’utopie et de rêve, si anciennement connu et pourtant toujours si nouveau et si plein d’attrait, on partait à travers les océans. On exécuta de grands voyages. En