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En décembre 1893, j’eus le très grand plaisir de recevoir, à quelques semaines d’intervalle, la visite de deux membres infiniment distingués et non moins sympathiques de l’Ecole d’Athènes[1]. La venue de ces camarades beaucoup plus jeunes que moi me fut chaque fois une véritable fête. Avec le premier, puis un peu plus tard avec le second, l’échange réciproque des souvenirs eut lieu amplement, à cœur ouvert. Les miens dataient de quarante-sept ans, de près d’un demi-siècle ; mais ils avaient gardé une entière vivacité pour la plupart, et ceux que le temps avait un peu endormis se réveillaient au cours de la conversation. Lorsque je les eus racontés à mon premier visiteur, il me dit : « Mais on ne sait rien de ces choses ! Vous devriez les écrire, afin que l’on connaisse la vérité. » Je répondis que j’y penserais. Peut-être des travaux sur le métier à ce moment m’auraient-ils détourné de cette pensée ; la venue du second camarade me la rappela ; car celui-ci accueillit le même récit par l’expression du même désir. J’eus enfin la satisfaction de causer bientôt avec M. Jean Psichari. Le savant helléniste français qui porte ce nom grec aurait honoré l’École d’Athènes, s’il y avait appartenu. Il a pour elle une fraternelle sympathie ; il la suit attentivement dans ses travaux, surtout dans ceux qui concernent la langue et la littérature grecques à leurs âges successifs, question sur laquelle il est maître. Lui aussi m’avoua que les circonstances précises de la naissance de notre Ecole d’Athènes lui étaient inconnues. Il me pressa avec insistance d’en écrire une relation. Et comme je lui objectais que ce serait long peut-être : « Mais non, répondit-il, répétez simplement ce que vous venez de me dire. »

Je vais le faire ici en ajoutant les complémens et les justifications nécessaires. Assurément beaucoup de nos camarades moins anciens que nous, quoique déjà très anciens, MM. Jules Girard, Mézières, Georges Perrot, Emile Gebhart, Foucart, pour ne nommer que ceux-là (tant d’autres sont morts, d’ailleurs), savent les principaux faits de notre première histoire. Il n’en est pas de même de la génération plus récente. Elle avoue, on vient de le voir, que ces origines lui sont restées inconnues. Les renseignemens qui vont suivre modifieront sans doute quelques impressions, et certains jugemens portés de bonne foi, mais erronés.

  1. MM. Paul Girard et B. Haussoullier.