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efforts. Certains trajets, pendant qu’il les accomplissait, lui ont semblé courts, d’autres lui ont paru bien longs, et maintenant seulement il se rend compte de ce qu’ils étaient en réalité. Il distingue chacune des erreurs qu’il a commises. Si alors, se retournant, il regarde l’autre versant de la montagne, il voit le chemin à suivre pour parvenir en sûreté et promptitude au but de son voyage qu’il aperçoit au loin dans la brume de l’horizon. Ce qu’il a fait lui donne le courage d’achever sa tâche ; la victoire qu’il a remportée sur la fatigue et les obstacles est le gage de sa victoire sur les fatigues et les difficultés de l’avenir. Il prend ardeur, force et espérance. Ce voyageur n’est-il point semblable à l’homme de science dans son voyage, pénible et douloureux comme tout enfantement, vers la vérité lointaine que, dans sa courte vie, il est certain de n’atteindre jamais ? Du moins, il s’en approchera, au prix de ses erreurs ; il a frayé une route ; et ceux qui la suivront derrière lui, profitant de sa peine, le dépasseront. Ils iront plus loin, plus loin, plus loin encore, obéissant à cette soif de vérité que Dieu a mise dans l’âme de chaque être humain comme la marque de sa divine origine et de son immortalité future.

L’histoire d’une science est le prélude nécessaire à l’exposé des œuvres dont elle s’occupe et à l’indication de celles qui lui restent à accomplir. Montrons donc dans l’histoire de l’océanographie comment son développement porte la double marque de l’influence exercée par les diverses sciences sur la science de l’océan et de celle exercée à son tour par cette dernière sur une foule de sciences et d’applications. Il en est de même dans chaque étape du perfectionnement intellectuel de l’humanité. On se figure difficilement la masse, en donnant à ce mot la signification que lui attribuent les physiciens, d’une idée nouvelle qui entraîne à sa suite un véritable monde et en pousse un autre devant elle. C’est peut-être ainsi que s’explique la peine qu’elle éprouve à vaincre les oppositions qui se dressent autour d’elle, faites des résistances d’une foule de gens et de choses qui sentent le moment venu de disparaître après avoir vécu. Rien ne consent à mourir et la routine n’est qu’un instinct de conservation.

L’océanographie est venue doucement. L’esprit humain cherche naturellement les motifs de ce que voient ses yeux et, pour s’en mieux souvenir quand il les a découverts ou seulement soupçonnés, à cause de sa faiblesse même, il se hâte de les condenser sous forme de lois. Les premiers navigateurs ne furent