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laboratoires et dans leurs administrations officielles en relevant en détail l’océanographie d’une région avant de s’y livrer aux recherches zoologiques. Il serait à souhaiter que l’axiome fût plus universellement connu. C’est une loi de bon sens, mais il n’est que trop vrai que ce sont les plus lentes à se répandre. Tout perfectionnement est une simplification, et les hommes qui demandent sans cesse la simplicité en sont comme épouvantés lorsqu’ils l’aperçoivent trop brusquement.

Mais si la présence ou l’absence d’un poisson est assez peu commode à déterminer, sinon par un essai long et coûteux, il n’en est pas de même des conditions du milieu qui peuvent s’apprécier et même s’évaluer en chiffres au moyen d’instrumens : la température, par le thermomètre ; la densité et la salinité, par l’aréomètre ; la profondeur, par la sonde ; la nature du fond, par une analyse lithologique ou chimique. L’instrument offre l’avantage d’avoir une graduation parfaite comportant un nombre suffisant de degrés, et par suite une grande délicatesse d’indication. En revanche, il a l’inconvénient de ne renseigner que sur une seule des conditions de milieu dont l’être vivant résume l’ensemble. Il ne faut pas oublier que le but de la science est précisément de rechercher quelle est, parmi toutes les autres, l’influence la plus essentielle, et en outre, si un seul instrument ne suffit pas, rien n’empêche de recourir à plusieurs successivement. Il en coûtera toujours moins de peine et de temps, à un pêcheur, de mesurer une température, et ensuite, s’il est nécessaire, une transparence et même une densité, puis, selon les résultats, de se mettre en pêche avec de sérieuses probabilités de réussite ou de se retirer immédiatement, que d’envoyer à l’eau ses lignes et ses filets, jeter ses appâts presque au hasard afin de n’être renseigné qu’après une tentative prolongée, en constatant que le poisson donne ou ne donne pas. Le professeur H. Mohn, de Christiania, l’ancien chef de la belle expédition océanographique norvégienne du Vöringen, en 1876, a reconnu[1] qu’aux îles Loffoten la morue se tenait constamment dans la couche d’eau de température comprise entre 4 et 5 degrés. D’après ses instructions, un navire de l’État commandé par le lieutenant de vaisseau G. Gade, est allé pendant une saison relever la position en profondeur de cette couche d’eau et vérifier les prévisions scientifiques. Le succès a été com-

  1. H. Mohn, la Température de la mer et la pêche aux Loffoten ; Christiania, 1889.