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possible par le brouillard. Cette impossibilité est la cause de la plupart des naufrages. Cependant la position peut se déterminer autrement. Si l’on possède une carte dite bathymétrique, indiquant d’une manière très nette par des courbes d’égale profondeur la profondeur de l’eau en chaque point, et si l’on a, d’après une série de sondages et d’analyses préalables, dressé une autre carte montrant, pour le même espace de mer, la nature des différens fonds, ici du sable, là des vases de telle ou telle espèce, là des roches, il suffira que, du navire devenu comme aveugle au milieu des eaux, on donne un seul coup de sonde pour que la position soit fixée. La profondeur mesurée en restreindra la probabilité à l’aire pour laquelle la carte bathymétrique donne cette profondeur. Si d’autre part on a eu le soin de munir le plomb de sonde d’un système permettant de recueillir et de rapporter un échantillon du fond, on cherchera sur la carte lithologique l’aire couverte par ce genre de fond, et combinant cette indication avec la précédente, on deviendra presque certain de sa position. De belles applications de cette méthode ont été faites en France par le commandant de Roujoux et par le capitaine Trudelle pour les atterrages de diverses localités, la traversée de la Manche, l’entrée de New-York, du Havre, de Brest et les approches si dangereuses du cap Guardafui. Deux coordonnées océanographiques ont remplacé les coordonnées astronomiques. Le navire, à défaut de la vue, s’est servi du toucher. Dresser des cartes bathymétriques et lithologiques est un des objets principaux que se propose l’océanographie.

L’océanographie possède dans les pêches maritimes une application plus importante encore, s’il est possible, que la géologie, la météorologie et la navigation, car cette industrie touche à la vie même des nations. En France, nous avons 86 000 marins pêcheurs embarqués, mais plus de 200 000 personnes tirent de la pêche leurs moyens d’existence, directement ou indirectement, comme par exemple les ouvriers et ouvrières des fabriques de conserves.

Nombreux sont les animaux marins dont l’homme fait usage soit pour son alimentation, les poissons, les crustacés, certains mollusques tels que les huîtres et les moules, soit pour ses besoins de tous genres, les éponges, les perles, le corail, les grands cétacés, baleines ou cachalots, et les phoques dont il recueille l’huile ou la peau. Aucun être n’échappe à l’influence