Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/908

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

péril sur les bancs de Terre-Neuve. Là viennent se fondre, au contact du Gulf-Stream chaud, les icebergs détachés des glaciers du Groënland et qui ont descendu la mer de Baffin emportés par le courant du Labrador ; ils y trouvent les glaces des côtes mêmes de l’île qui, au moment de la débâcle, déversent les matériaux qu’elles ont charriés presque au même endroit, dans le vaste remous des trois courans du Labrador, de Cabot et du Gulf-Stream. L’amoncellement des débris de roches constitue les bancs de Terre-Neuve.

Ces glaces ont un intérêt capital par les craintes qu’inspire leur rencontre, par les hauts-fonds qu’elles édifient en se fondant et enfin parce que l’air qu’elles refroidissent, arrivant en contact avec une atmosphère plus chaude et saturée de vapeur, donne naissance à d’épaisses brumes. Des centaines de sinistres seraient évités, d’énormes économies seraient réalisées pour le transport des marchandises, si l’on parvenait à connaître et à prévoir ces phénomènes. Les admirables Pilot-Charts, publiées chaque mois par le Bureau hydrographique de Washington, cherchent à résoudre empiriquement le problème en notant jusqu’à quelle latitude descendent chaque année les glaces, en observant leur nombre, et en établissant les probabilités d’après de longues moyennes d’observations. Les brumes dues à des causes analogues, c’est-à-dire aux courans marins, sont fréquentes dans les régions septentrionales ou même tempérées, sur la mer du Nord, la Manche et les côtes atlantiques de l’Angleterre et de la France ; partout elles sont l’effroi des marins : les navires y demeurent égarés. S’ils avancent, ils risquent de se jeter à la côte ou de heurter un autre navire ; s’ils demeurent immobiles, ils sont en danger d’être eux-mêmes heurtés, et en tous cas ils perdent du temps, denrée précieuse dont le prix augmente de jour en jour. Prévoir leur présence, ou, si l’on était pris par elles, être capable de découvrir sa route et de la suivre à coup sûr serait la conséquence immédiate du perfectionnement de l’océanographie.

Des tentatives ont d’ailleurs été faites et elles ont été couronnées de succès. La position d’un navire sur l’océan est fixée d’ordinaire à l’aide de coordonnées astronomiques. D’après la position observée d’un astre, étoile ou soleil, l’observateur calcule sa propre position à la surface des flots. Sachant où il est et où il va, rien ne lui est plus facile que de diriger sa route. Mais la condition indispensable est d’apercevoir l’astre, ce qui est im-