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des traités de commerce avec la plupart des nations européennes, doit nous appliquer les tarifs les plus bas consentis par elle dans ces arrangemens. Mais quand, en 1903, elle aura recouvré sa liberté d’action, elle s’efforcera sans doute de rédiger ses nouvelles conventions, si tant est qu’elle en signe avec les autres puissances, de façon à en écarter le plus possible les articles que nous importons chez elle et à rester libre de les frapper à sa guise.


V

Malgré l’influence que les grands propriétaires exercent sur les conseils du gouvernement, il est difficile, lorsqu’on cherche à se représenter ce que sera l’avenir économique de l’Allemagne, de méconnaître l’importance de plus en plus grande que devront prendre son exportation industrielle et son importation de matières premières[1]. Déjà le pays importe un cinquième du froment et un septième des céréales qu’il consomme. Néanmoins la consommation par tête est encore inférieure à ce qu’elle est dans d’autres contrées, si bien qu’un abaissement ou une suppression de droits en amènerait probablement l’augmentation. Les hommes d’Etat se posent à ce sujet trois problèmes : l’Allemagne doit-elle supprimer les droits sur les produits agricoles sans demander aucune réciprocité, ou se servir de leur suppression ou de leur abaissement comme d’une arme dans la négociation de traités de commerce ? En second lieu, supprimer ou abaisser ces droits équivaut-il à sacrifier l’agriculture ? Enfin, cette politique de dégrèvement amènerait-elle une diminution de salaires qui résulterait de la vie à meilleur marché ? Est-ce sur des salaires bas que le pays devrait compter pour être plus apte à lutter contre l’étranger ?

La plupart des Allemands semblent d’accord pour penser qu’il y a lieu de n’accorder de réductions de droits sur les céréales qu’aux pays qui donnent en retour des facilités d’accès aux produits de l’industrie allemande, et c’est en effet des stipulations de cette nature que nous trouvons dans les traités en vigueur avec la Russie, l’Autriche-Hongrie, et les autres pays producteurs de céréales. D’autre part, s’il ne faut pas subordonner la politique

  1. Voir notre article, dans la Revue du 15 février dernier, sur l’Industrie allemande.