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égard, les idées dominantes de la nation et du gouvernement ?

L’Allemagne du moyen âge ne formait pas un seul territoire douanier. L’empereur n’avait pas réussi à imposer l’unité sous ce rapport. Les pouvoirs locaux s’étaient réservé le droit de taxer les marchandises qui pénétraient à l’intérieur de leurs frontières : peu à peu cet impôt, qui, dans l’ancien droit germanique, ne faisait que représenter une protection donnée au commerce, se transforma en une source de revenus. Au temps de la Réforme, l’idée de soumettre toute l’Allemagne au même régime douanier se fit jour. Au congrès de Nuremberg (1522-1523), on parla d’élever autour de l’empire une muraille, au passage de laquelle les marchandises paieraient 4 pour 100 de leur valeur, tant à l’importation qu’à l’exportation ; mais ce projet se heurta à l’opposition des villes, qui empêchèrent Charles-Quint de lui donner son assentiment. C’est au XIXe siècle qu’il devait être repris par la Prusse.

Dès l’année 1816, le cabinet prussien se préoccupait de la question. En 1818, il décida que les marchandises seraient taxées au poids et non plus selon la valeur ; que les objets manufacturés paieraient 10 pour 100, les denrées coloniales 20 pour 100. Le Wurtembergeois Frédéric List provoqua en 1819 une union des commerçans et industriels de l’Allemagne centrale et méridionale, qui demanda la suppression des barrières intérieures. Les années suivantes virent une série de traités se négocier entre la Prusse et d’autres États allemands. En 1828, Hesse-Darmstadt conclut avec la Prusse une union douanière (Zollverein) qui engloba bientôt d’autres principautés. L’année suivante, un pacte fut conclu entre cette Union et une autre qui comprenait un certain nombre d’États de l’Allemagne du Sud ; des arrangemens successifs achevèrent de lier les divers membres de la Confédération. La politique douanière, dès le milieu du siècle, jouait un rôle considérable dans les rapports politiques de la Prusse et de l’Autriche. Jusqu’en 1848, la Prusse avait paru être le défenseur le plus vigilant des intérêts économiques de l’Allemagne. En 1848, M. de Bruck prend à Vienne l’initiative d’un projet d’union douanière entre l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie du Nord ; mais l’opposition de la Prusse le fait échouer. Le traité austro-allemand de 1853 n’établit pas encore d’union douanière formelle, mais institue une sorte d’état transitoire destiné, dans la pensée des négociateurs, à la préparer. Pour employer l’expression pittoresque d’un historien allemand, on entourait l’Autriche