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l’appelaient le uhlan. Le plus jeune, Charles-Edouard, engagé à quinze ans dans la conjuration, fut un personnage d’épopée : il semblait posséder un de ces talismans qui rendent, à volonté, les héros de féerie invulnérables et invisibles. A la tête de huit mille hommes prêts à tout, il s’était érigé en justicier et rançonnait les acheteurs de biens nationaux. Les avanies dont il accabla Mgr de Pancemont, évêque de Vannes, auquel il gardait rancune, terrifièrent la Bretagne au commencement de l’Empire. La Haye-Saint-Hilaire, blessé au cours d’une de ses folles escapades, fut pris à la tour d’Elven et fusillé dans un fauteuil le 6 octobre 1807.

Jean-Louis Gavard, habitant aisé de la paroisse de Parce et premier maire de sa commune, vint aussi se mettre à la disposition du marquis : celui-ci comprit le parti qu’il pouvait tirer d’un homme ne tenant d’aucun côté à la noblesse et ne pouvant être suspecté d’avoir d’autres intérêts que ceux du peuple. Gavard organisa les bandes de faux-saulniers de la lisière du Maine. Parlant avec facilité, il avait de l’action sur les paysans. C’était l’homme de tête, le mentor en quelque sorte de l’association.

Il convient de nommer encore, pour la clarté des récits qui vont suivre, Charles de Boishardy, Louis-Anne de Pontavice des Renardières, Toussaint-Marie du Breil de Pontbriand, André-Charles de Bouteiller, dit le Petit André, Léziard de Villorée, tous faisant partie de l’état-major du chef. D’autres que l’âge ou des charges de famille empêchaient de s’enrôler dans l’armée de la conjuration, lui prêtaient un concours actif de propagande ou de dévouement, tels M. de la Motte de la Guyomarais, retiré dans son château aux environs de Lamballe, ou le comte de Ranconnet de Noyan, dont nous avons déjà esquissé un rapide portrait. Un quincaillier de Saint-Malo, Thomazeau, était chargé des marchés d’armes et de munitions ; Henri, aubergiste à Saint-Servan, et Vincent, courtier maritime, organisaient les communications par mer entre la Bretagne et Jersey. Rallier, ancien capitaine du génie, officier municipal de Fougères, était un agent actif, ainsi que l’abbé de Langan, caché aux environs de Saint-Brice, Decroix, l’homme d’affaires de Bois-Guy, et les Gouyon-Beaufort, de Launay, de la Moussaye, de Saint-Gilles, Hingant, Palierne, Locquet de Granville, de Caradeuc, la Baronnais, de Forsantz, Lantivy, la Fruglais, de Silz, la Vieuxville, la Bourdonnaye, de Couesbouc, de Boishamon… Il faudrait citer toute la Bretagne.

Le marquis de la Rouerie ne se contenta pas d’accepter les