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Gervais Tuffin, auquel fut donné le commandement des recrues d’Antrain, de Sougeal et de la vallée du Couësnon. Il faisait partie du conseil de la division de Fougères, présidé par Aimé du Bois-Guy et composé en outre de Hay de Bouteville, du chevalier de Saint-Gilles, Duval, Colin de la Contrie et de l’abbé de Frétigné. Tuffin devint un des trois aides de camp du marquis : les deux autres étaient Limoëlan le jeune, destiné à un renom plus tragique dans l’affaire de la machine infernale, et Aimé du Bois-Guy, dont l’existence suffirait à défrayer la verve de dix romanciers.

Bois-Guy n’avait pas seize ans quand la Rouerie lui confia la présidence de la division de Fougères. De ce jour, il se condamna à la vie errante de ses gars, couchant dans des souterrains, tombant, quand les munitions manquaient, à coups de bâton sur l’armée des bleus, — des crapauds, comme disaient les paysans, — narguant le danger, se jouant de la mort avec un bonheur insolent ; jovial, d’ailleurs, d’une gaîté et d’une bravoure communicatives, adoré de ses hommes et estimé de ses adversaires à ce point qu’au cours des dernières luttes, en 1800, Brune lui offrit, sans succès, au nom du premier consul, le grade de général de brigade dans les armées de la République.

Parmi les premiers adhérens à la conjuration, on doit encore citer le chevalier de Tinténiac, qu’une affaire galante avait obligé de quitter la marine où il servait en qualité de lieutenant : il remplissait l’office d’intermédiaire entre les Bretons, les Vendéens et les émigrés de Jersey et d’Angleterre ; s’embarquait, débarquait en dépit des surveillances, traversait les campemens ennemis sans prendre même la précaution élémentaire de revêtir un déguisement ou de se munir d’un faux passeport. Juif-errant de l’association, il courait de Cholet à Saint-Malo, d’Alençon à Nantes, parcourant à pied vingt lieues en une nuit, traversant la Loire à la nage, pris pour un bleu par les Chouans, risquant d’être fusillé comme espion à chaque embuscade. A ceux qui lui conseillaient quelque ménagement, il se disait heureux d’expier au prix de tant de fatigues les erreurs de sa jeunesse. Il fut enfin tué, le 18 juillet 1795, au château de Coëtlogon : il n’avait pas trente et un ans.

Les deux frères de Lahaye-Saint-Hilaire ne lui cédaient pas en abnégation et en audace. L’aîné, Louis-Joseph, ex-sous-lieutenant au régiment de Penthièvre, organisa la cavalerie de la Rouerie qui le nomma colonel de ses hussards. Les gars