Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/865

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les voltairiens et les jansénistes de la Constituante s’acharnèrent à la commettre, et Mirabeau qui les avait aidés dans cette œuvre néfaste ne se faisait pas d’illusion sur les résultats : — « L’assemblée est enferrée, écrivait-il ; si elle croit que la démission de vingt mille curés ne fera aucun effet dans le royaume, elle a d’étranges lunettes ! »

Dans les provinces de l’Ouest, l’exaspération fut d’autant plus vive que les sentimens religieux de la population étaient plus sincères. J’ai sous les yeux un chiffon de papier jauni, fripé, taché de sang, trouvé dans la veste d’un chouan, mort aux environs d’Antrain : cet infime document est d’une éloquence probante :


Acte de Foi

Je crois fermement que l’Église, — Quoi que la nation en dise, — Du Saint-Père relèvera — Tant que le monde durera ; — Que les Évêques que l’on nomme — N’étant pas reconnus à Rome, — Sont des intrus et apostats — Et les curés des scélérats — Qui devraient craindre davantage — Un Dieu que leur service outrage.

Acte d’Espérance.

Et j’espère, avant qu’il soit peu, — Les apostats verront beau jeu, — Que nous reverrons dans nos chaires, — Nos vrais curés, nos vrais vicaires, — Que les intrus disparaîtront, — Que les Évêques reviendront ; — Que la divine Providence, — Qui toujours règne sur la France, — En dépit de la nation, — Nous rendra la religion.

Acte de Charité.

J’aime tous les aristocrates ; — Je prie Dieu pour les démocrates, — Du moins pour leur conversion, — Et qu’il revienne à la raison. — Je le prie d’apaiser leur rage, — De délivrer de l’esclavage — Notre roi, la reine et son fils, — Qui sont en prison dans Paris ; — De ramener à l’Évangile — Une nation indocile ; — Mais prions bas : s’ils m’entendaits, — Les coquins me lanter neraits.


C’est la persécution religieuse qui fit, dans l’Ouest, tant d’ennemis à la cause révolutionnaire. La chose, pour les contemporains, était si peu douteuse qu’à peine arrivé en Bretagne, un agent du Comité de sûreté générale la constatait dès son premier rapport : « La raison du mécontentement est qu’on a voulu imposer les prêtres constitutionnels. »

Le marquis de la Rouerie résolut de grouper ces mécontens ; besogne délicate et d’autant plus ardue que les revendications de