dans une telle entreprise sans s’être assure toutes les chances de succès. Il avait, il est vrai, dans tes mains, l’admirable armée formée par la Restauration et par le gouvernement de Juillet, et elle lui eût suffi à affronter l’Autriche. Mais en 1852, au commencement de l’Empire, l’Autriche n’était pas seule : elle dominait l’Allemagne par sa majorité à Francfort et elle formait encore le troisième élément d’un groupe solidement uni.
Olmütz avait replacé Berlin sous la direction de l’Autriche, et loin d’être disposé à tramer quoi que ce soit contre son allié de 1815, fidèle toujours au testament paternel, Frédéric-Guillaume IV s’était engagé à elle par un traité secret d’alliance offensive et défensive, entraînant garantie des territoires réciproques. Derrière l’Autriche et la Prusse, Nicolas était toujours prêt à intervenir. Ses succès récens contre la Révolution en Danemark, dans les principautés danubiennes, en Allemagne, en Hongrie ; la part indirecte de conseil, d’encouragement, qu’il avait eue à l’écrasement de la révolte sicilienne, l’avaient plus que jamais rempli d’un orgueil sans mesure. Il se considérait comme la providence visible de l’Europe, le régulateur de ses destinées, le garant de son repos, l’archange exterminateur armé de l’épée de Dieu contre les pervers ; toute contradiction lui paraissait un crime de lèse-divinité.
Le premier pas de l’Empereur en Italie eût fait s’élever contre lui les armées de ces trois puissans Empires. Et il n’était pas certain que l’Angleterre ne les eût pas secondés au moins de ses vœux. A la vérité, Palmerston, l’approbateur du coup d’Etat, était de nouveau rentré aux affaires, à côté de Gladstone, de Russell lui-même, dans le cabinet de coalition formé par Aberdeen (décembre 1852), mais en une situation relativement subordonnée, comme ministre de l’Intérieur. Aberdeen était un ami décidé de la paix partout ; de plus, un survivant de l’école de 1815. Il était attaché à l’alliance autrichienne et n’aurait consenti à se prêter à aucune machination contre elle. Palmerston lui-même, quoique partisan des bons rapports avec le nouvel Empereur et de tout temps favorable à l’affranchissement de l’Italie, ne dissimulait pas sa répugnance à le voir opéré par nous. Une entreprise française en Italie, en 1852, aurait suscité l’hostilité la plus résolue du gouvernement anglais : il n’eût pas admis qu’elle fût désintéressée ; il l’aurait considérée comme le prélude à de nouveaux desseins conquérans.