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un certain nombre d’entre eux à accomplir leur service du temps de paix dans des colonies, dont le climat est réputé malsain pour les Européens. Tous les projets, quels qu’ils fussent, contenaient une disposition en vertu de laquelle l’armée coloniale ne devait être recrutée qu’à l’aide d’engagemens volontaires et de rengagemens, sollicités, les uns et les autres, par des primes en argent et des hautes-payes. On détacha donc cette disposition et l’on en fit une loi à part, la loi du 30 juillet 1893, loi d’attente qui visait l’armée coloniale, — dont l’organisation restait à déterminer par une loi ultérieure, — mais qui était applicable immédiatement aux troupes de la marine.

Mais si le Parlement s’est occupé du recrutement de l’armée coloniale, il n’a rien fait encore pour organiser cette armée. Un nouveau projet de loi succédant à tant d’autres a été déposé en 1896, par les trois ministres de la Marine, de la Guerre et des Colonies. Poursuivi par la même malechance que ses devanciers, il n’a pu même venir en discussion. Nous le verrons certainement reparaître, les mêmes ministres étant restés au pouvoir et l’armée coloniale figurant en première ligne parmi les questions qui devront être soumises à l’examen de la nouvelle Chambre.

Si la solution cherchée se fait attendre depuis si longtemps, c’est qu’on s’est engagé dans une mauvaise voie et qu’en réalité on ne s’est pas étudié jusqu’ici à constituer une véritable armée coloniale. Les mesures proposées ne sont que des expédions. On utilise ce qu’on a : les troupes de la marine auxquelles on conserve leur organisation actuelle et que l’on renforce avec la légion étrangère. On trouve le recrutement, tel qu’il a été institué par la loi de 1893, satisfaisant, du moment qu’il épargne le contingent ; mais on ne s’inquiète pas de savoir s’il sera suffisant et fournira à l’armée coloniale le nombre voulu d’hommes dans la force de l’âge, capables de supporter les fatigues qui leur seront imposées. On parle bien haut de l’autonomie de l’armée coloniale, autonomie qui lui est indispensable pour vivre ; mais on ne fait rien pour l’assurer et, par le rattachement soit au Ministère de la Marine, soit à celui de la Guerre, on risque de la compromettre. Enfin, les auteurs des projets sont hantés par la vision des luttes suprêmes qui, un jour ou l’autre, ensanglanteront la frontière ; dans leur pensée, l’armée à créer a sa place réservée dans ces combats. Elle est moins une armée coloniale qu’un appoint apporté, en cas de guerre, à l’armée de la métropole. De là, une