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vivre avec des compagnons et selon des habitudes de leur choix, il ne supprimait pas en eux le droit corporatif, il violait le droit individuel. L’impression devint plus profonde quand le duc de Fitz-James, après avoir avoué « n’être pas dévot », montra que violer les droits individuels était attenter à leur source commune, la liberté, et s’étonna qu’après avoir, au nom de la liberté, détruit tout l’ancien régime, « on voulût déterrer dans cette ruine une seule loi, et une loi de persécution »[1]. A la Chambre des députés, tous les orateurs catholiques combattirent au nom des libertés publiques, et en hommes qui préfèrent à tout ces libertés communes. Ce sont elles que M. de Cony déclare le don bienfaisant de la Charte, c’est par elles qu’il intéresse au droit des jésuites le droit de tous les Français et s’écrie : « Nous serons entendus, ou la France aura cessé d’être libre et la Charte aura existé[2]. » Ce sont elles que défend M. de Sainte-Marie, quand, dénonçant dans les mesures prises contre les petits séminaires le triomphe du monopole universitaire sur la volonté des familles, il déclare « ne pas concevoir de plus épouvantable tyrannie »[3]. Ce sont elles qu’invoque M. Leclerc de Beaulieu quand, aussitôt après les Ordonnances, il réclame « la liberté de l’instruction » comme « la conséquence nécessaire de la liberté de conscience, de la liberté politique et de la liberté civile »[4]. Ce sont elles enfin qui inspirent, à la fin de cette lutte, le jugement réfléchi, collectif, motivé des laïques les plus dévoués à l’Eglise. Ils avaient formé une Association pour la défense de la religion catholique. Ils jugèrent nécessaire de rechercher « en quoi les Ordonnances étaient conformes ou contraires au droit du royaume ». Le rapport[5] rédigé par Berryer, établissait que les anciennes lois relatives à l’Église, lois d’autorité et de privilège, étaient de leur temps ; que désormais, pour être de leur temps, elles doivent être des lois d’égalité et de liberté : c’était avec toute l’éloquence de la raison, la défense de la vieille foi par le droit moderne. Ainsi par une contremarche où chaque parti venait occuper la position de l’autre, les libéraux se prévalaient de l’antique arbitraire, les catholiques des libertés nouvelles ; et ces catholiques étaient les plus mêlés aux intérêts, aux passions et à l’intelligence de leur temps.

Qu’à ce moment cette politique fût devenue celle de l’Église en France, l’histoire changeait. Si l’autorité religieuse,

  1. Chambre des Pairs, 18 et 19 janvier 1827.
  2. Chambre des Députés, 21 juin 1828.
  3. Id.
  4. Ib., 7 juillet 1828.
  5. 31 juillet 1828.