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intérêts la protection du droit, c’était elle qui livrait le droit à l’arbitraire, les intérêts les plus essentiels des citoyens à la police, encourageait l’Etat à traiter en maître les lois comme les hommes, et proclamait, sur le siège même de la justice, le règne du bon plaisir !

La sentence ne rebute pas l’infatigable Montlosier, elle lui ouvre une voie nouvelle. Si le pouvoir exécutif est maître d’oublier ou d’appliquer les lois, le Parlement est maître de conseiller l’une ou l’autre conduite au pouvoir exécutif. Il n’y a pas à espérer sans doute que les deux Chambres pèsent par leur accord sur la couronne : au Palais-Bourbon, s’affirment les idées chères à Charles X ; au Luxembourg, survivent celles de Louis XVIII. Cette divergence du moins disposera la Chambre haute, pour se ménager une alliée, à fortifier de son adhésion la sentence de la justice. Sans doute, les Pairs, qui mettaient une coquetterie de vieillards, ambitieux de paraître jeunes, à défendre les libertés modernes, ne semblaient pas hommes à employer contre l’Eglise les instrumens de l’ancien arbitraire. Mais, dans le système parlementaire, les choses souvent se décident par des motifs étrangers aux questions mêmes. Outre l’éducation gallicane, la malveillance discrète ou violente qui animait contre le cabinet Villèle les ministres sortis du pouvoir et désireux d’y revenir, l’amour de cette popularité qui retentissait, comme un cri de la rue, aux portes des Assemblées, préparaient les Pairs à une inconséquence. Transformant une troisième fois son Mémoire, l’obstiné vieillard se fait, de dénonciateur, pétitionnaire, et porte ses griefs au Luxembourg.

La discussion s’y ouvrit le 18 janvier 1827. Le rapporteur, M. Portalis, était légiste, depuis le nom jusqu’à l’âme. Pourtant de tous les griefs énumérés par Montlosier, il ne retint, comme avait fait la magistrature, que les griefs relatifs aux jésuites ; même plus réservé qu’elle, il ne déclarait pas la présence de ces religieux dangereuse, mais seulement illégale ; et, contrairement à l’avis de la Cour, il ne reconnaissait pas aux princes le privilège de mettre à leur fantaisie les lois en sommeil ou en activité. Pour qu’elles fussent ou abrogées ou obéies, il proposa le renvoi de la pétition au gouvernement. Les orateurs favorables au renvoi, Laine, le plus gallican des anciens ministres, et M. de Choiseul qui crut devoir à l’honneur familial d’approuver l’injustice commise par son aïeul contre les Jésuites, témoignèrent la même