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religieuse la grande parole de sa vie, ce féodal qui avait toujours méprisé les institutions modernes était pour les révolutionnaires un auxiliaire d’autant plus utile qu’il avait moins l’air d’un complice. Le roman de leurs accusations devenait presque de l’histoire en passant par la crédulité d’un honnête homme. Et, dans la triple tristesse de l’âge, des insuccès, et du silence, Montlosier vit tout à coup revenir à lui sa popularité. Elle lui rendit des forces pour dire, après le danger, le remède. Dans son Mémoire à consulter, il demanda qu’à l’aide du vieux droit, le roi chassât les jésuites, supprimât les congrégations où la piété se changeait en politique, et fit respecter les quatre articles de 1682. Les libéraux n’avaient plus qu’à donner des troupes à qui servait leur cause. Le mémoire fut reçu avec un applaudissement incroyable. Il atteignit en deux mois cent mille exemplaires : le livre du Pape s’était tiré à quelques centaines. Montlosier connut l’accueil dont les partis sont prodigues envers les transfuges, et tous les Volsques impatiens de marcher sur Rome portèrent en triomphe ce vieux Coriolan.

Le gouvernement crut qu’il étoufferait ce bruit par un peu de vigueur. Deux journaux, le Constitutionnel et le Courrier français, faisaient l’écho le plus perpétuel et le plus passionné à toutes les haines religieuses. Il voulut appliquer contre eux la loi qui punissait « l’attaque à la religion de l’Etat », et, vers la fin de 1825, les déféra à la cour de Paris. Sans nier les offenses commises contre le catholicisme, la Cour décida qu’elles avaient été « provoquées » par « l’introduction en France de congrégations religieuses défendues », et « par une doctrine » contraire à la déclaration de 1682, « déclaration toujours reconnue, et proclamée loi de l’Etat ». Elle acquitta les journaux[1]. Au premier appel de l’Etat en faveur de l’Eglise, le pouvoir judiciaire répond par un refus de concours. Il invoque les clauses de l’union séculaire entre la royauté et la religion : l’Église qu’il a le devoir de défendre est l’Eglise gallicane, il ne la reconnaît pas dans une société religieuse qui menace l’indépendance de l’Etat.

Personne plus que les chefs de l’Eglise en France ne savait combien était vain le grief porté contre l’ambition théocratique. Ils se sentaient humiliés qu’on leur supposât de grands desseins. Ils ne pouvaient souffrir que l’on confondît leur prudence avec l’orgueil de Lamennais. Ils résolurent de démentir ce faux témoin qui

  1. Arrêts de la Cour de Paris, 3 et 5 décembre 1825.