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VI

Parmi ses amours internationales, Napoléon III avait établi des degrés. Le dévouement envers la Pologne était, quoique très vif, à l’état de désir indéterminé : il se rendait bien compte qu’à moins de circonstances échappant à tout calcul de probabilité, il n’avait aucune initiative à prendre.

Connaissant l’Allemagne, il comprenait que là aussi lui manquaient les élémens d’une intervention quelconque. Au-delà du Rhin, aucun souverain n’était étranger au peuple sur lequel il régnait : dès lors, aucune nécessité d’indépendance nationale ne sollicitait les sympathies et le concours. L’unité allemande n’était pas à constituer, elle existait. D’après la définition qu’en donne le Congrès de Vienne, la Confédération germanique constituait une puissance collective établie sur un principe limité politique. Seulement cette unité, au lieu d’être centralisée, était fédérative. Dans l’unité générale, chaque groupe conservait son individualité et son originalité propres. Entre les peuples et les souverains n’existaient que des différends en quelque sorte autonomes. Les uns voulaient le maintien de la Confédération de 1815 sous l’influence prédominante de l’Autriche. Les autres réclamaient une grande Allemagne sous l’autorité de la Prusse. D’autres préféraient une Allemagne moyenne, composée de quelques États confédérés, de laquelle seraient également exclues la Prusse et l’Autriche, le trias. Quoi qu’il pensât de ces divers systèmes, ce n’était pas à un étranger de prononcer entre eux ; l’abstention s’imposait.

Bien différente apparaissait la situation de l’Italie. La Lombardie et la Vénétie gémissaient entre les mains de l’Autriche, soutenue 4ans sa domination par l’Allemagne entière. Les princes italiens qui n’étaient pas étrangers s’étaient liés à l’Autriche par des traités de vasselage. Il ne s’agissait pas, comme en Allemagne, de déterminer si la patrie dont on jouissait librement était mieux régie en unité ou en fédération : on se demandait s’il y aurait une patrie. En 1848, les Italiens avaient en vain essayé de s’affranchir eux-mêmes, ils avaient été écrasés et la médiation franco-anglaise n’avait pu que limiter l’étendue de leur désastre. Maintenant ils imploraient le secours qu’ils avaient arrogamment repoussé.

D’où pouvait venir ce secours ? Il n’était pas sûr que