Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/723

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la droite a été pour quelque chose dans la sagesse du gouvernement. Elle lui a donné presque constamment ses voix sans lui rien demander en échange, si ce n’est la tolérance et la courtoisie que M. Méline était spontanément disposé à lui accorder. Mais que ferait la droite pendant la prochaine campagne électorale ? Ne produirait-elle pas tout d’un coup des exigences inadmissibles ? Quelques-uns de ses amis, au dehors, lui reprochaient la modestie de ses prétentions ; ils l’accusaient de ne pas savoir se faire payer son concours. M. Denys Cochin a répondu à ces allégations avec un grand sens politique. Peut-être, dans cette séance même, n’avait-il pas eu à se louer beaucoup de certaines déclarations ministérielles. M. le ministre de l’Intérieur avait parlé de la loi militaire et de la loi scolaire dans des termes plus propres à donner satisfaction aux radicaux qu’aux conservateurs ; il avait parlé aussi de l’abdication du parti royaliste et de son chef ; et si M. Méline, tout aussi ferme sur le fond des choses, avait été plus mesuré dans les termes, M. Bourgeois avait cherché habilement à mettre les deux ministres en opposition l’un avec l’autre, et à rendre plus aigus pour la droite les traits qui avaient pu la piquer. M. Cochin n’en a pas moins gardé toute sa présence d’esprit et son sang-froid. Il a proclamé la pleine indépendance de la droite, qui n’a en effet aucun pacte avec le ministère, et qui n’est disposée à en conclure aucun. Dès lors, elle n’a rien à demander, rien surtout à exiger. Elle vote suivant sa conscience et ses intérêts. Si elle ne votait pas avec le ministère, il faudrait, n’est-ce pas ? qu’elle votât avec les radicaux. Au fond, c’est ce que ceux-ci désirent. Mais M. Cochin cherche où serait pour lui le profit à voter avec M. Bourgeois. S’il regarde en arrière, il voit que ses amis, loin d’avoir gagné autrefois à ces coalitions avec l’extrême gauche, ont été constamment les victimes des réconciliations intermittentes qui se produisaient entre l’opposition et le gouvernement. C’est à eux qu’on en faisait payer les frais. Leurs intérêts politiques étaient rudement traités ; les intérêts religieux qui leur sont chers étaient encore moins ménagés. Voilà ce que la droite a retiré dans le passé de son entente avec les radicaux. En retirerait-elle autre chose dans l’avenir ? Il suffit d’écouter M. Bourgeois. Si M. Barthou est partisan résolu des lois militaire et scolaire, M. Bourgeois ne l’est pas moins, et il y ajoute la loi d’accroissement. M. Denys Cochin ne voit pas ce qu’il gagnerait au change, et nous ne le voyons pas non plus. Il est probable que les conservateurs se poseront la même question sur le terrain électoral, et qu’ils l’y résoudront de la même manière. Quand ils auront un candidat à eux, avec