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ARTHUR YOUNG
ET
SON AUTOBIOGRAPHIE

On s’accorde à reconnaître qu’en écrivant et publiant la relation des trois voyages qu’il fit en France dans les années 1787, 1788 et 1789, Arthur Young a rendu un grand service aux historiens, que son livre est un précieux document, qu’il abonde en informations qu’on ne trouverait pas ailleurs, qu’aucun autre n’est plus propre à nous faire connaître l’état moral de la France à la veille de la Révolution, les espérances, les désirs, les craintes qui agitaient les esprits soit à Paris, soit en province. Cependant ce n’était point dans l’intérêt des historiens qu’Arthur Young avait parcouru trois fois notre pays des bords de la Manche aux Pyrénées.

Dès sa jeunesse il avait considéré l’agriculture comme le plus utile et le plus honorable de tous les métiers ; il aimait à s’appeler « l’homme de la charrue » et quelquefois aussi « le prêtre de Cérès ». Lorsque le roi George III lui fit présent d’un bélier mérinos, il déclara qu’un souverain qui travaille à l’amélioration de la race ovine se connaît en vraie gloire, qu’il est plus beau de donner un bélier à un fermier que de gagner des batailles et de conquérir un royaume. Cet agronome enthousiaste ne voyageait jamais que pour examiner des fermes, des champs, des prairies, des vaches et des moutons. Il avait commencé par faire une tournée dans les comtés du sud de l’Angleterre ; il parcourut plus tard les comtés du nord, de l’est, puis l’Irlande. Né en 1741, il avait quarante-six ans quand il forma le projet de venir étudier sur place les pratiques et les assolemens des laboureurs français : « Le but