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transporte et se propage avec la même vitesse que la lumière est un véritable flux d’éther, comme le voulait le Père Secchi, qui l’assimilait au courant de l’eau dans une conduite. Elle produirait alors son travail, comme l’eau produit le sien quand elle agit par sa pression sur le moteur hydraulique. De même l’électricité ne serait pas elle-même une énergie ; elle en serait un moyen de transport. Mais, avec Clausius, et plus tard avec Hertz, la majorité des physiciens admet qu’en réalité ce n’est pas l’énergie elle-même qui se propage, mais seulement son mouvement vibratoire. Quoi qu’il en soit, ce qui constitue la particularité essentielle de l’énergie électrique, et ce qui en fait le prix, c’est qu’elle est un agent de transformation incomparable. Toutes les formes connues de l’énergie peuvent se convertir en elle et inversement l’énergie électrique peut se muer, avec la plus grande facilité, dans toutes les autres énergies. Cette extrême malléabilité lui assigne le rôle d’intermédiaire entre les autres agens moins dociles. L’énergie mécanique, par exemple, ne se prête pas aisément à une métamorphose en énergie lumineuse. Une chute d’eau ne pourrait être utilisée directement pour l’éclairage ; dans les installations industrielles d’éclairage, elle met en mouvement des machines électriques, des dynamos qui alimentent les lampes à incandescence. Le travail mécanique tout à l’heure inexploitable s’est changé en énergie électrique, et celle-ci en énergie calorifique et lumineuse. L’électricité a rempli là le rôle d’un utile intermédiaire.

Il faudrait maintenant, si nous voulions développer le programme de la science de l’énergie, indiquer le second grand principe qui, avec celui de Robert Mayer, préside à toutes ses mutations ; c’est à savoir le principe de Carnot. Il faudrait, enfin, montrer par quelle explication figurée, par quelle image concrète, la science contemporaine a rendu compte de la nature et des transformations de l’énergie. C’est la théorie cinétique qu’il faudrait donc exposer. On se représenterait alors la matière universelle animée des deux espèces de mouvemens qui sont le mouvement visible et le mouvement vibratoire moléculaire ; on devrait suivre historiquement la manière dont cette hypothèse s’est introduite dans la science par la nécessité de rendre compte des phénomènes de propagation de la lumière ; comment elle s’est constituée par l’étude de la chaleur, comment elle a été précisée, grâce à Clausius et Maxwell, dans le cas des gaz,