Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/681

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais si, au lieu de monter sans fardeau, l’homme est astreint à porter une charge, le résultat est tout différent. Le manœuvre de Coulomb montait six voies de bois par jour à 12 mètres en 66 voyages ; ce qui correspondait à un travail maximum de 109 000 kilogrammètres seulement au lieu de 235 000.


L’énergie ou travail mécanique peut s’offrir à nous sous deux formes : l’énergie actuelle, correspondant au phénomène mécanique réellement exécuté, et l’énergie potentielle, ou énergie de réserve.

Un corps qui a été élevé à une certaine hauteur, développera, si on le laisse tomber, un travail qui a précisément pour mesure, en kilogrammètres, le produit de son poids par la hauteur de chute. Un tel travail peut être utilisé de bien des manières. C’est ainsi, par exemple, que l’on fait marcher les horloges publiques. Or, tandis que le contrepoids « remonté » n’est pas encore lâché, qu’il est immobile, l’ancienne physique dirait qu’il n’y a rien à considérer. Le phénomène, c’est la chute : elle va avoir lieu ; au moment présent, il n’y a rien encore.

En énergétique, on ne raisonne pas ainsi. On dit que le corps possède une capacité de travail qu’il manifestera à l’occasion, une énergie emmagasinée, une énergie en puissance ou énergie potentielle. Quand le corps tombera, cette énergie potentielle se transformera en énergie actuelle. Le travail développé par la chute nous fera penser à celui exactement égal et contraire exécuté par l’horloger qui a dû le soutenir et le remonter jusqu’à son point de départ. Voilà d’où vient cette énergie qui va se manifester pendant huit ou quinze jours, par le mouvement régulier des aiguilles et la sonnerie des heures. La chute est la contre-partie fidèle de l’élévation. On retrouve dans la seconde phase du phénomène exactement ce que l’on avait mis dans la première, la même quantité d’énergie. Entre ces deux phases, s’intercale la pause aussi longue que l’on voudra, où l’énergie semble sommeiller, et dont nous disons que c’est une période d’énergie virtuelle ou potentielle. Et ainsi le lien des phénomènes, leur enchaînement réel, est conservé, et ne cesse pas de nous être présent. D’autre part, cette énergie dont nous ne perdons pas la trace ne nous paraît pas nouvelle quand elle se manifeste ; et aussi, finissons-nous par nous la représenter comme quelque chose de réel, d’indestructible et d’éternel ayant une existence objective qui tantôt se révèle et tantôt sommeille, qui est manifestée ou latente.