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la doctrine pure. Elle est devenue le point de départ d’une science : l’Energétique, qui, née d’hier, prétend déjà embrasser et fusionner en elle toutes les autres sciences de la nature physique et vivante, que seule l’imperfection de nos connaissances avait maintenues jusqu’ici distinctes et solitaires.

Au seuil de cette science nouvelle, nous trouvons inscrit le principe de la conservation de l’énergie, dont il est permis de dire qu’il domine la philosophie naturelle. Sa découverte a marqué une ère nouvelle et accompli une révolution profonde dans notre conception de l’Univers. Elle est l’œuvre d’un médecin, Robert Mayer, qui exerçait son art dans une petite ville du Wurtemberg. Il avait formulé le principe nouveau en 1842 et il en avait ensuite développé les conséquences dans une série de publications qui parurent entre 1845 et 1851. Elles restèrent à peu près inaperçues et ignorées jusqu’au jour où Helmholtz, dans son célèbre mémoire sur la Conservation de la force, les mit en lumière et leur donna l’importance qui leur convenait. Depuis ce moment, le nom jusque-là obscur du modeste médecin de Heilbronn a pris place parmi les plus honorés que mentionne l’histoire des sciences.

Quant à l’énergétique, — dont la thermodynamique n’est qu’une section, — on est d’accord pour admettre que si elle ne peut absorber dès à présent la mécanique, l’astronomie, la physique, la chimie et la physiologie, et constituer cette science générale qui sera, dans l’avenir, la science unique de la nature, elle constitue un acheminement vers cet état idéal et comme un premier échelon dans cette ascension vers le progrès définitif.

Nous voudrions exposer ici ces idées nouvelles dans ce qu’elles ont d’universellement accessible ; nous voudrions, en second lieu, en montrer l’application à la physiologie, c’est-à-dire en marquer le rôle et l’influence dans les phénomènes de la vie.


I

Si l’on veut se rendre compte des phénomènes de (l’univers, on devra admettre, avec la généralité des physiciens, qu’ils mettent en jeu deux élémens, et deux élémens seulement, à savoir : la matière et l’énergie. Tout ce qui se manifeste se montre sous l’une ou l’autre de ces deux formes. C’est là, peut-on dire, le postulat de la science expérimentale.