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La conception est audacieuse. En quittant la rade de Marseille, le canal aurait à franchir le massif montagneux du Rove par un tunnel de 7 500 mètres de longueur, 22m, 50 de largeur, et 16m, 20 de hauteur. Il longerait ensuite l’étang de Berre, passerait à Martigues et à Port-de-Bouc, et de ce point se dirigerait en ligne droite sur le Rhône. Ce qui prouve bien l’esprit dans lequel le projet a été conçu, c’est que les promoteurs du canal tiennent essentiellement à le faire aboutir au Rhône à 5 kilomètres en amont de Saint-Louis, alors qu’on réaliserait une économie de 5 millions en le faisant arriver à Saint-Louis même, et en utilisant les magnifiques ouvrages déjà existans sur ce point. Le canal de Marseille au Rhône aurait 54 kilomètres de longueur pour 2 mètres de profondeur du Rhône à Port-de-Bouc et 3 mètres de Port-de-Bouc à Marseille. Il coûterait 80 millions, dont moitié à la charge de l’Etat.

En principe, l’ouverture d’une voie de communication nouvelle offre toujours des avantages, et il serait à désirer que le Rhône pût être relié à Marseille, comme il l’est à Cette par le canal de Beaucaire. Mais n’est-ce pas acheter ces résultats un peu cher que de les payer 80 millions ? Il est permis de se le demander. En tout cas, la dépense devrait être à la charge exclusive de Marseille, car l’Etat n’est pas intéressé à ce que, à égalité de prix du fret, la marchandise à destination ou en provenance du Rhône soit manutentionnée à Marseille plutôt qu’à Saint-Louis et la dépense de 40 millions qu’on demande au budget serait plus productive et plus justifiée si elle était appliquée à l’amélioration agricole du delta du Rhône !

Il y aurait encore bien des choses à dire des multiples avantages que l’on pourrait retirer du Rhône, notamment au point de vue de la force motrice et des irrigations. Mais je ne pourrais le faire sans excéder les bornes assignées à une étude sommaire et limitée à une faible partie du cours de ce fleuve. Je crois d’ailleurs en avoir dit assez pour démontrer que le Rhône mérite de figurer au premier rang de nos fleuves de France, par les inappréciables services qu’il rend à notre agriculture aussi bien qu’à notre commerce, et qu’il ne dépend que de nous d’accroître encore considérablement la sommes de ses services.


COMTE REMACLE.