et de charlatanisme dans cette diplomatie. » Tocqueville se plaint de son style flasque. Dans les nombreuses dépêches diplomatiques françaises ou étrangères de tous les temps que j’ai lues, j’ai été surtout frappé, dès que l’ambassadeur n’est pas un d’Ossat, un Gremonville, un Chateaubriand, de l’incertitude fréquente de l’information. Les diplomates ont beau professer que dans les affaires ce qu’on dit n’est pas ce qu’on pense, le désaccord entre la parole et la pensée est tellement contraire à la pente native de l’esprit humain, que ceux-là mêmes qui en font métier, finissent par se laisser prendre comme de simples naïfs aux fourberies conventionnelles au milieu desquelles ils se jouent. Croyant être malins, ils sont bien souvent dupes.
Plus encore, j’ai été choqué de l’inaptitude à laquelle ils sont presque tous arrivés à formuler un jugement net, précis. Presque tous sont ce que Napoléon appelait dédaigneusement des ambassadeurs à conversations, dont l’application principale est de répéter en détail leurs entretiens avec les ministres et les souverains, en évitant de se compromettre par une opinion tranchée[1]. Ils battent l’eau, louvoient, se cachent dans un flot de phrases vides, ou bien ils font mieux : dans une partie de leur dépêche, ils expriment une opinion ; dans une autre, l’opinion opposée. « Nous croyons que le gouvernement pense et veut telle chose », disent-ils à la première page. Vous tournez et vous lisez : « A moins qu’il ne pense et ne veuille le contraire. » Là-dessus, ministre ayant à prendre un parti, débrouillez-vous !
Enfin, absorbés par l’affaire spéciale dont ils sont chargés, ils ne se rendent pas compte de sa véritable place dans l’ensemble même de la politique ; ils en exagèrent l’importance, au risque, par cette exagération, de gêner ou de compromettre l’action bien plus capitale ailleurs de leur gouvernement. Ils se laissent aller à convertir les discussions d’affaires en luttes personnelles ; ils sont trop sensibles à de petits froissemens : on ne les a pas salués assez bas ; on leur a fait attendre un cordon grand ou petit, très désiré ; on a manqué d’égards envers leur femme. Ils s’occupent alors moins de leur négociation que de leur rancune, ou plutôt ils placent le succès de leur négociation dans la satisfaction de leur rancune.
Les diplomates du second Empire justifient moins que bien d’autres ces critiques générales. Parmi eux, certainement, il y a
- ↑ Talleyrand à Mme Adélaïde, 29 octobre 1830.