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complètement l’île, il faudrait conduire toutes les eaux jusqu’aux bords de la mer par un réseau de canaux, et les déverser à la mer par des machines élévatoires. C’est une œuvre qui ne peut être entreprise que par l’Etat ou par la collectivité des propriétaires. Elle se poursuit avec succès dans les étangs du bas Plan du Bourg, mais sur une échelle restreinte et grâce à une large garantie des intérêts de l’État.

Pour dessaler et pour irriguer les terres, il serait nécessaire de pouvoir y amener les eaux du Rhône par des canaux en relief. C’est ce qui n’existe dans aucune des parties du delta. Cette amélioration est étroitement liée au dessèchement, car il ne suffit pas d’amener les eaux sur les terres, il faut pouvoir les écouler. Si l’on tient compte de l’étendue des surfaces qu’il s’agit d’améliorer, on peut se faire une idée de l’importance de la dépense que comporterait l’œuvre combinée du dessèchement et de l’irrigation du delta du Rhône. A plusieurs reprises on a tenté de résoudre le problème. Divers projets, savamment étudiés, ont été proposés ; mais tous ont échoué devant les difficultés financières de l’entreprise.

L’agriculture est éprouvée dans la région du bas Rhône comme dans le reste de la France, plus éprouvée même qu’ailleurs, car la rareté de la main-d’œuvre y maintient le régime de la grande propriété et les anciennes méthodes de culture. Sans doute, les améliorations projetées procureraient une très grande plus-value aux propriétés ; mais les propriétaires obérés sont hors d’état d’en supporter les frais. Ils font pourtant ce qu’ils peuvent avec les moyens restreints dont ils disposent. Ils ont creusé des canaux pour dessécher leurs terres, pour y amener les eaux du Rhône. Dans ces dernières années, ils ont créé à grands frais des vignes submersibles. Pour submerger ces vignes, ils ont établi des machines élévatoires qu’ils utilisent en été pour les irrigations. Les capitaux employés depuis vingt-cinq ans en améliorations foncières dans le delta dépassent vingt millions. L’emploi des machines agricoles, moissonneuses, faucheuses, batteuses, etc., est général. Les engrais chimiques se vulgarisent de plus en plus. Les voies de communication, autrefois impraticables pendant une partie de l’année, sont aujourd’hui empierrées et bien entretenues ; quatre lignes de chemins de fer desservent le delta : la ligne d’Arles à Saint-Louis-du-Rhône en Plan du Bourg, celles d’Arles à Giraud et d’Arles aux Saintes-Maries en Camargue, et la ligne d’Arles à Lunel dans la plaine du Gard, sans parler de la ligne