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formation des terrains du delta a déjà pu donner une idée de leurs caractères généraux. La terre végétale qui les constitue a une épaisseur qui varie de 5 à 10 mètres. Leur degré de fertilité se mesure à leur altitude et les plus grands écarts de cette altitude n’excèdent pas 2 ou 3 mètres. Comme ces terres reposent sur des couches anciennes imprégnées d’eau de mer pendant de longs siècles, l’évaporation énergique provoquée par l’action du soleil, très ardent en été sous cette latitude, fait remonter le sel à la surface par un effet de capillarité. Ce sel, qui miroite en larges plaques blanches dans les parties basses, est destructeur de la végétation. C’est le plus grand obstacle à la culture dans cette région. Pour le combattre, il faut d’abord dessaler la terre en la maintenant longtemps sous une couche d’eau douce, puis la recouvrir d’un manteau de végétation afin de la soustraire à l’action directe des rayons solaires. Nous verrons plus loin comment l’agriculture locale résout ce problème.

Le classement et le mode d’exploitation des terres se règle d’après leur altitude. Les terrains les plus bas sont recouverts par les eaux et constituent les nombreux étangs du littoral. On y exploitait autrefois des pêcheries qui n’existent plus, depuis que l’interposition de la digue à la mer empêche le poisson de mer de pénétrer dans les étangs. A une altitude supérieure, la terre se recouvre d’une végétation paludéenne, les marais produisent des roseaux qui se vendent comme litière, des ansérines et des cypéracées recherchées pour la confection des sièges de paille et dont la plus grande partie s’exporte en Chine. Sur les bords des marais s’étendent des terres vagues dont la végétation n’est pas utilisable. C’est la région des engano ou salicornes ligneuses. Le terrain supérieur est à l’état de prairies naturelles plus ou moins riches. L’herbe savoureuse, mais trop courte pour être fauchée, est consommée sur pied par les bêtes à laine qui constituent une des richesses du pays. Enfin, les terres les plus élevées sont consacrées à la culture des céréales, des vignes et des fourrages artificiels.

Dans toutes les parties du territoire baignées par les eaux du Rhône, la végétation est luxuriante. L’ormeau, le peuplier blanc de Hollande, le frêne et le chêne y atteignent de majestueuses proportions. Le pin parasol y formait autrefois des forêts dont les défrichemens n’ont laissé subsister que quelques pittoresques vestiges. Le tamaris abonde dans les terrains bas que la statice