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LE DELTA DU RHÔNE

Tous ceux, — et le nombre en est grand, — qui, de Lyon à Arles, ont suivi la grande ligne du chemin de fer de Paris à Marseille ont pu admirer le cours pittoresque du Rhône, dans sa partie intermédiaire. Au-dessous d’Arles, le grand fleuve est beaucoup moins connu. Son aspect, pour différer du cours supérieur, n’en est cependant pas moins remarquable. Sorti de la vallée qu’il a si longtemps suivie, le Rhône, grossi de tous ses affluens, coule à pleins bords vers la mer prochaine, à travers une plaine immense et fertile. Ses ondes lasses, selon la belle expression du grand poète provençal, s’étendent sur une largeur qui dépasse souvent un kilomètre. On admire la majesté de son cours, en même temps que l’on s’étonne de la solitude de ses eaux. Pourquoi cette magnifique voie naturelle n’est-elle pas mieux utilisée ? Faut-il en accuser la nature ou les hommes ? Le plus grand fleuve de France n’est-il bon à autre chose qu’à être contemplé par ses riverains, et par les rares curieux qui visitent son embouchure ? L’intérêt que présentent ces questions n’est pas de ceux qui s’épuisent. Il acquiert d’ailleurs un caractère particulier d’actualité en ce moment où, pour la quatrième fois en ce siècle, de nouveaux et coûteux efforts vont être tentés pour tirer meilleur parti de la navigation du Rhône, à cette heure où l’agriculture du delta semble se dégager de ses antiques erremens pour entrer dans la voie féconde des méthodes nouvelles. C’est pourquoi, même après les écrivains distingués qui ont traité ces questions[1], il peut

  1. Voyez dans la Revue des 15 février et 15 mai 1880 et des 1er mai et 15 juillet 1881, les études de M. Charles Lenthéric sur la Région du Bas Rhône et, dans le numéro du 1er novembre 1894, le Rhône, par M. Eugène-Melchior de Vogué.