Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/627

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lors, dans ses préfaces, dans ses brochures, dans des livres comme la Question du divorce, sinon son attitude de prophète, au moins les allures batailleuses et dogmatiques d’un tribun et d’un réformateur social. Le succès matériel de l’Étrangère, qu’il dut peut-être, pour une très large part, à ses interprètes de la Comédie-Française, sembla même l’avoir trompé sur la capacité de résistance qu’opposent instinctivement les foules composites des théâtres aux subtilités transcendantes des symboles philosophiques importés sur les planches. En 1881, il se hasarda à faire représenter la Princesse de Badgad, qui subit un sort à peu près identique à celui de la Femme de Claude ; devant ce second échec, il revint une seconde fois en arrière avec Denise, qui se joua en 1885, et qui sort exactement du même moule que Monsieur Alphonse. Ce fut l’avant-dernier de ses ouvrages, on pourrait presque dire le dernier qui soit susceptible de servir à l’étude de ses idées, de ses rêves, et de son action morale sur nos contemporains. Les fragmens de la Route de Thèbes ne seront en effet probablement jamais publiés. Quant à la comédie de Francillou, qui fut donnée en 1887, nous verrons comment et pourquoi, selon toute vraisemblance, elle doit être classée absolument en dehors du cycle général qui constitue, à proprement parler, l’œuvre d’Alexandre Dumas fils ; c’est une création à part, et qui méritera d’être analysée à part. En 1885, la vie de l’homme et de l’écrivain n’est point terminée, mais sa carrière de moraliste nous parait décidément close.

Il reste donc à examiner ce que fut cette carrière de moraliste, en soi, abstraction faite des procédés dramatiques, oratoires ou littéraires par lesquels elle se manifesta. La pureté du style, au moins en prose, n’a plus évidemment qu’une importance secondaire, du moment où le prosateur n’a prétendu qu’à exprimer et à réaliser des idées. S’il y a réussi, eût-il offensé parfois le goût et la syntaxe, toutes ses métaphores a priori sont bonnes, toute sa rhétorique devient acceptable ; et il y aurait quelque pédantisme à trop insister sur des bizarreries de langage qui peut-être ont choqué les lettrés, mais qui peut-être aussi se sont imprimées d’autant plus fortement dans le cerveau des foules. La préface du Fils naturel répond par avance aux objections des dilettantes et des grammairiens : « Je vous conseille de faire du Berquin, si le Berquin peut servir ; je vous conseille de faire du Rabelais, si le Rabelais peut vous être profitable ; je vous conseille de faire