Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/624

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

termine ainsi : « Et je vois distinctement ces choses… Et d’abord les Germains qui ont pénétré chez nous comme des loups rentreront un jour chez eux comme des lièvres… Et l’édifice allemand s’écroulera avant d’être achevé, comme Babel, comme tout ce que l’orgueil humain a tenté contre le ciel ; et Pélion roulera de nouveau sur Ossa… Et le prince Fritz et ses enfans pleureront des larmes rouges… Et les rois pousseront de grands cris en s’enfuyant du côté du pôle… Et ces choses s’accompliront pour les trois quarts avant la fin du siècle, et, pour le dernier quart, dans la première moitié de l’autre. » Cette politique de vaudevilliste sentimental, exprimée en ce langage mythologico-biblique, défie évidemment tout commentaire ; à la rigueur pourrait-on y trouver matière une fois de plus à de mélancoliques réflexions sur l’incroyable aptitude de notre race à se griser de rhétorique, et à se payer de songes aussi généreux que vides, dès l’instant où ces songes prennent l’apparence d’un raisonnement, et se revêtent d’une forme oratoire pittoresque et sonore.

Dumas fils, pourtant, en dépit de l’état de crise où il se trouvait, était d’un esprit trop avisé pour transporter sans ménagemens ni transitions ce genre d’éloquence sur la scène. En 1871, avec Une Visite de noces, il prétendait bien faire non pas seulement une satire, mais « une exécution » ; encore le mot « exécution » ne se trouve-t-il que dans la préface. La même année, dans la Princesse Georges, il nous montrait bien une femme qui est l’Instinct, en lutte avec un homme qui est la Passion, et une autre femme qui est l’Amour, lutte qui aboutira au meurtre d’un quatrième individu qui est « le mouton du sacrifice d’Abraham ». Mais, en somme, ton t ce symbolisme demeure extrêmement voilé. L’auteur, au fond, ne se hasarde guère qu’à prendre sous son entière responsabilité des pièces écrites selon la formule dont il a usé déjà pour le Supplice d’une femme et pour Héloïse Paranquet. Nous voici cette fois franchement engagés dans la série des comédies-thèses, où l’on ne doit « jamais perdre de vue un seul moment que tous les personnages, toutes les scènes, tous les mots concourent à l’expression, à la déduction, à la preuve d’une idée » ; comédies que l’écrivain « doit toujours commencer par le dénouement, c’est-à-dire lorsqu’il a la scène, le mouvement et le mot de la fin » ; car, « un dénouement est un total et une preuve,… une résultante mathématique, fatale, des circonstances, des passions, des caractères présentés et développés dans le courant de l’action » ; pour mener