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législation en vigueur. Ce fut le signal d’attaques violentes contre les associations ouvrières, et une partie de la presse fit campagne pour obtenir l’abrogation des lois de 1824 et 1825 en prenant pour prétexte les crimes commis par les Unions à Sheffield et à Manchester ; de leur côté, Ludlow, Harrisson et Beesly défendirent avec talent les droits des associations, et les chefs de la Junta, Applegarth et Allan, déposèrent avec une modération et une conviction qui causèrent une impression profonde. Mundella vint au nom des patrons de Nottingham faire une déposition dont nous avons reproduit déjà quelques extraits et dans laquelle il se montrait le défenseur convaincu de la liberté d’association. Il fit connaître les résultats déjà obtenus par les conseils d’arbitrage et contribua dans une large mesure au succès de la cause des ouvriers.

Contrairement aux prévisions des adversaires, le premier résultat de l’enquête fut le vote du bill Cobett, qui abrogeait le Master and Servant Act, et qui fut soutenu par lord Elcho. Le rapport déposé en 1868 concluait à la reconnaissance légale des Unions et à leur droit d’acquérir la personnalité civile en se faisant enregistrer comme Friendly Societies. C’était méconnaître les différences essentielles qui existent entre les deux sortes d’associations, et dans un mémoire très complet, qui a mérité d’être appelé la charte de liberté des Trade-Unions, Harisson démontra qu’il était nécessaire de recourir à une législation spéciale.

Mundella s’inspira de ce travail pour déposer en 1869 avec Thomas Hughes un bill tendant à la reconnaissance légale des Unions. Ce bill donna lieu à de vives controverses : il y avait même parmi les unionistes des opposans de principe. Un publiciste populaire, Potter, qui avait une certaine influence sur les ouvriers, en profita pour attaquer Gladstone et Mundella : il les accusait de mettre les Unions sous la dépendance de la police et de tendre à la mainmise sur le patrimoine corporatif. Mais le comité central désavoua Potter et soutint le bill Mundella.

Mundella ne devait cependant pas avoir l’honneur de le faire triompher ; les whigs avaient trop d’attaches avec la haute banque et la grande industrie pour donner l’indépendance complète aux Unions. Les lois de 1870-71 ne furent qu’une sorte de transaction qui mécontenta à la fois les patrons et les ouvriers. Henry Crompton les a définies d’un mot. « La légitimité de la grève et les associations faites en vue de la soutenir étaient reconnues, mais tous les moyens employés pour réduire