Les conflits du capital et du travail tendent à prendre dans l’histoire des sociétés modernes la place qu’occupaient au moyen âge les guerres civiles et étrangères, et la grève des mécaniciens qui, pendant six mois, a paralysé presque toutes les branches de l’industrie anglaise et réduit au chômage forcé des milliers de travailleurs, a plus agité l’opinion publique que la guerre des Afridis ou la campagne du Soudan. Il est vrai que tout concourait à donner à cette grève une importance exceptionnelle : d’une part, l’Amalgamated Society of Engineers, avec ses 92 000 adhérens, son budget de 8 millions et sa réserve de 12 millions, est la plus ancienne et la plus riche des grandes fédérations ouvrières[1] ; d’autre part, les patrons, en refusant de discuter la proposition de réduction des heures de travail et en repoussant, à trois reprises, l’arbitrage qui leur était proposé par les ouvriers et par le Board of Trade, avaient déclaré qu’ils combattaient pour une question de principe. Dans le manifeste de Leeds, le colonel Dyer, président de l’Union des industriels, revendique pour eux le droit absolu de fixer à leur guise les conditions du travail sans aucune ingérence des Trade-Unions et repousse à l’avenir toute intervention de tierces parties.
Dès lors il ne s’agissait plus seulement de la réduction de quelques heures de travail, mais de la destruction de toute
- ↑ Howell, Trade-Unionism new and old, p. 57. — B. and S. Webb, History of Trade-Unionism.