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L’HISTOIRE ROMAINE
DE MICHELET

Je n’oublierai jamais l’impression que m’a faite l’Histoire romaine de Michelet, quand je l’ai lue pour la première fois. J’étais très jeune et j’habitais une des villes où Rome a laissé le plus de souvenirs. Les monumens romains de Nîmes ont ce caractère particulier que, comme ils sont mieux conservés qu’ailleurs, et quelques-uns presque intacts, ils n’ont jamais été entièrement hors d’usage. La Maison-Carrée n’a cessé d’être un temple que pour devenir une église ; on en a fait de nos jours un musée. La Porte d’Auguste a servi longtemps d’entrée à la gendarmerie départementale, et les Arènes continuent à être le lieu où se donnent les fêtes publiques. Ce ne sont donc pas à proprement parler des ruines, c’est-à-dire quelque chose de mort et d’inutile ; il n’y a pas d’effort à faire pour leur rendre la vie, puisqu’en réalité ils vivent, et qu’on s’en sert. Dès ma première enfance, j’avais tellement l’habitude de les voir, je m’étais si bien familiarisé avec eux, que plus tard, au collège, lorsqu’on me parla de ceux qui les avaient bâtis, ils ne me semblèrent pas tout à fait des inconnus, et je n’étais pas sûr de ne les avoir jamais rencontrés dans les environs du Nymphée ou sous les voûtes du temple de Diane. En seconde, on me fit apprendre par cœur les Considérations de Montesquieu ; mais ces phrases d’oracle ne me disaient pas grand’chose. Je comprenais mieux Rollin : il n’a guère fait que traduire les historiens anciens, et il est difficile qu’on ne trouve pas un grand charme dans les narrations de Tite-Live ou de Plutarque. Par malheur, en les traduisant, il les affadit ; il ne peut nous les rendre que dans la langue de son temps, qui, chez