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comme le fait voir en passant M. Henri Potez, à Dorat, à Léonard, à Baour-Lormian. Baour-Lormian avait dit :

Compagne de la nuit, étoile radieuse
Qui, sur l’azur du firmament,
Imprimes de tes pas la trace lumineuse,
Astre paisible en ce moment,
Que regardes-tu dans la plaine ?

Et Musset écrit à son tour :

Pâle étoile du soir, messagère lointaine,
Dont le front sort brillant des voiles du couchant,
De ton palais d’azur, au sein du firmament,
Que regardes-tu dans la plaine ?

Écoutez-le cependant parler d’art :

Ce qu’il nous faut pleurer sur ta tombe hâtive
Ce n’est pas l’art divin, ni ses savans secrets,
Quelque autre étudiera cet art que tu créais ;
C’est ton âme

et ailleurs, dans cette pièce que tout artiste lui reprochera sans doute éternellement : Après une lecture :

Certes, c’est une vieille et vilaine famille,
Que celle des frelons et des imitateurs,

(Il lui convient bien de s’en moquer !)

Allumeurs de quinquets, qui voudraient être acteurs ;
Aristophane en rit, Horace les étrille,
Mais ce n’est rien auprès des versificateurs,
Le dernier des humains est celui qui cheville.

On ne peut guère montrer plus de dédain pour cette application, cette conscience artistique, ce scrupule, qui sont l’art même d’André Chénier. Et en effet, là est le vice de l’idéal romantique. Mais, aucune préoccupation de culture ou d’érudition ; aucune superstition ni aucun respect des modèles ; aucun souci de ce qui s’appelle des noms d’achèvement ou de perfection ; le mépris de la tradition classique, si tels ont bien été quelques-uns des traits du romantisme, en trouvera-t-on de moins « analogues » à ceux qui caractérisent le néo-classicisme ? Encore une fois, c’est bien au fond qu’est la contradiction ; et on verra pourquoi, dans un instant, ce que Sainte-Beuve n’avait pas vu, les Parnassiens, au contraire, l’ont parfaitement discerné.

Il n’est pas inutile de dire auparavant que toutes ces distinctions se ramènent à une seule. La poésie de Chénier est « objective », et le