l’œuvre d’André Chénier tout entière, Élégies ou Idylles, une veine de sensualité.
- …. C’est la voix de Julie !
- Entrons, oh ! quelle nuit, joie, ivresse, folie !
- Que de seins envahis et mollement pressés !
- Malgré de vains efforts que d’appas caressés !
- Que de charmes divins forcés dans leur retraite !
- Il faut que de la Seine, au cri de notre fête,
- Le flot résonne au loin, de ces jeux égayé ;
- Et qu’en son lit voisin le marchand éveillé,
- Écoutant nos plaisirs d’une oreille jalouse,
- Redouble ses baisers à sa trop jeune épouse !
M. Gabriel de Chénier, dans la Notice qu’il a mise en tête de son édition des Œuvres, a défendu son oncle de ce reproche ; et je dirai tout à l’heure les raisons qu’il en a eues. Mais André Chénier fut un homme de son temps, et d’un temps où l’amour n’était guère que le plaisir. Il faut être son neveu pour soutenir le contraire ! Et le malheur, c’est qu’en le disant, on risque d’enlever au poète ce qu’il semble bien qu’il ait eu de plus naturel : le goût du plaisir et l’ardeur du tempérament. « Il aime le luxe et la richesse, dit à ce propos M. Louis Bertrand ; les cristaux et les fleurs l’éblouissent ; il note l’éclair des vins dans une coupe, la profusion des fruits en pyramides croulantes ; il célèbre surtout les vins, vins d’Espagne et vins de France, madère, malaga, Champagne et bourgogne. » C’est ce que remarque aussi M. Henri Potez : « La comtesse d’Albany le gronde sur son amour de la table. « Je crois que vos maux viennent de trop manger, vous êtes gourmand. » Dans une note de son Art d’aimer, il parle du « mouvement de désir… que l’on éprouve après dîner, lorsqu’on a bu vin, café ». La nature même, qu’il ne sent guère qu’au travers des élégiaques antiques, n’est pour lui trop souvent que l’initiatrice de la volupté.
- L’amour aime les champs, et les champs l’ont vu naître ;
ou encore :
- Que l’air est suave et frais ! le beau ciel ! le beau jour !
- Les dieux me le gardaient ; il est fait pour l’amour !
C’est à ce titre, et en ce sens, que l’on a pu l’appeler « un pur païen » à la manière de Diderot, par exemple ; et dans la mesure exacte où la renaissance du classicisme, à la fin du XVIIIe siècle, est elle-même une renaissance du paganisme.
Et il est encore païen par le caractère de son incrédulité, qui n’est