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accompagnées d’un commentaire en une ligne qui ne fait pas honneur à son sens critique : « Ces vers, disait-il, ne sont ni bons ni mauvais ; ils sont jeunes. » Ils sont au contraire simplement exécrables, et l’on aurait scrupule à insister davantage sur l’erreur commise par un homme supérieur, si lui-même, presque aussitôt après, dans la préface du Bijou de la Reine, n’était revenu sur ses propres essais poétiques, et n’y avait trouvé matière à une déclaration de principes d’ordre général : « J’aurais pu, affirme-t-il, cultiver certaines dispositions que vous reconnaîtrez dans l’échantillon que je vous offre. » Il ne les a pourtant pas cultivées, bien qu’il fit agréablement le vers, et il s’en est tenu à la prose. C’est que la prose « n’a ni talons pour se grandir, ni maillot pour se faire valoir, ni dentelles pour se parer ; elle ne met ni blanc ni rouge ; elle est nue comme la vérité. « Rien de rembourré dans les bouffans du corsage ; rien d’escamoté dans les plis de la jupe ; on sait tout de suite à quoi s’en tenir sur son compte ; ses seins sont puissans, ses flancs sont larges, ses reins sont forts, et, quand on l’épouse, il faut la rendre mère, sinon elle divorce et vous plante là. » Il en va tout autrement, paraît-il, avec la poésie, « cette langue de luxe », grâce à laquelle « les banalités les plus banales revêtent provisoirement une autorité sacerdotale, un caractère divin », et par qui « on voit le mieux combien ce qui est creux peut être sonore ». En effet, « cette forme d’art excelle souvent à dire d’une manière séduisante des choses qui ne signifient rien du tout… et elle a cela d’agréable que les fautes grammaticales y passent pour des audaces, quelquefois pour des beautés, qu’elle impose à ceux qui ne savent pas s’en servir, et que, si les deux rimes sonnent bien en se heurtant, comme les éperons d’un Hongrois qui danse la mazurka, il court aussitôt un petit frémissement de joie parmi les auditeurs. »

Devant cette sereine incompréhension esthétique, les objections tombent d’elles-mêmes ; il n’y a rien à répondre ; et l’on se félicite seulement que le versificateur des Péchés de jeunesse et du Bijou de la Reine n’ait pas persisté à cultiver les dispositions qu’il sentait en lui. La qualité de sa prose, en vérité, ne fut pas d’abord très supérieure à celle de sa poésie ; il ne possédait pas plus de virtuosité dans un genre que dans l’autre : du moins, la faiblesse du style n’est-elle pas aussi apparente et déconcertante dans un roman que dans un poème.

Il se chercha d’abord longtemps lui-même, et ce ne fut pas