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LES LOIS DE L’ORIENTATION
CHEZ LES ANIMAUX

Il semble que les animaux sauvages soient voués à la vie errante, et cependant, quand on observe attentivement leurs mœurs, on s’aperçoit bientôt qu’ils se sont partagé assez équitablement les bois, les prés, les champs et l’espace. Chacun d’eux vit cantonné dans un domaine dont il exploite les ressources et sur lequel, redoutant la concurrence, de ses congénères, il ne tolère la présence que d’un nombre limité d’entre eux. Chez les animaux, la propriété est donc collective.

L’étendue de ce domaine varie d’ailleurs avec les ressources qu’il présente, les abris qu’il offre contre les dangers de toute espèce et surtout suivant les facultés de locomotion de l’animal.

Le cantonnement est en quelque sorte une condition d’existence. Tout animal qui, faute d’instinct, ou pour toute autre raison, essaie de s’y soustraire, est rapidement supprimé par la sélection naturelle : chassé par ses congénères auxquels il dispute la nourriture quotidienne, errant à l’aventure, sur un terrain inconnu parsemé d’embûches, il devient pour les ennemis de son espèce une proie facile.

L’instinct d’orientation qui permet à l’animal de retrouver son gîte et par suite ses habitudes, sa nourriture, la protection contre le danger, joue donc un rôle capital dans sa vie. Il lui doit son individualité, le souvenir par lequel il se rattache au passé et jusqu’à un certain point la satisfaction de ses besoins dans le présent.