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est légère : le fond est constitué par de petites maisons de bois noires, pareilles à celles qu’on voit dans les campagnes, alignées le long de rues qui se coupent à angles droits et sont d’ordinaire très larges pour rendre plus difficile la propagation des incendies contre lesquels on s’efforce de prendre toutes les précautions possibles : n’est-il pas par exemple, et non sans raison, défendu de fumer sur le grand pont de bois qui traverse l’Angara à Irkoutsk ! Dans certains quartiers plus riches, on ajoute un étage aux maisons, on les peint en blanc, en gris, en couleurs claires. Enfin dans quelques rues, on trouve des édifices en pierre, à deux ou trois étages, très rarement des maisons d’habitation, plus souvent des magasins de riches négocians, et plus souvent encore des établissemens officiels de toute espèce, chaque ville ayant un musée, un hôpital, un gymnase ou collège de garçons et un autre de filles, en général des casernes. Les grandes masses blanches de ces bâtimens, le plus souvent groupés, quelquefois sur des hauteurs, ont bonne apparence et sont encore dominées par les églises. Celles-ci sont innombrables : de la place qui se trouve devant la cathédrale d’Irkoutsk, et qui est cependant dans un fond, on peut en voir sept tout autour de soi. Elles sont le plus souvent peintes en blanc, quelquefois en bleu clair ou en rose, à l’extérieur, surmontées d’une grande coupole et de plusieurs petites toutes dorées ou argentées, et font un excellent effet par un beau soleil ; à l’intérieur, elles ont tout le luxe d’icônes habituel aux églises russes.

A tout prendre, une ville sibérienne est certainement plus belle et mieux pourvue qu’on ne s’y attendrait ; les trottoirs sont en bois, quand il y en a, et les rues sont des bourbiers, dès qu’il a plu, — un honorable fonctionnaire, dont je ne saurais suspecter la parole, m’affirmait, à Tomsk, que, lors de la fonte des neiges, un bœuf s’était noyé devant sa maison ; — mais, après tout, les rues de Chicago ou de la Nouvelle-Orléans ne sont pas toujours si bien tenues, et sous ces climats extrêmes il est particulièrement difficile d’établir une bonne voirie. D’autre part, le téléphone fonctionne dans toutes les villes importantes ; à voir s’aligner les poteaux qui portent les fils, on pourrait se croire en Amérique ; l’éclairage électrique existe même à Tomsk et à Irkoutsk. Les transports sont très suffisamment assurés par de rapides petits fiacres, à la mode russe où une course ne coûte que vingt kopeks (0 fr. 53) ; ce dont on s’étonne ici, comme en Russie, c’est