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les bouleaux n’apparaissent plus qu’à la lisière des bois. Sur les bords des rivières les plus importantes s’élèvent de petites villes, et tous les vingt ou trente kilomètres, se succèdent des villages entourés de quelques cultures qui forment au milieu de ces immenses forêts de bien insignifiantes clairières. C’est, cependant, le long de la grande route, de la vallée de l’Iénisséi et du cours de deux ou trois autres rivières que presque toute la population est concentrée dans la Sibérie centrale, l’élément russe du moins, qui en forme encore la grande majorité : sur les 670 000 habitans du gouvernement de l’Iénisséi, on ne compte qu’une cinquantaine de mille indigènes ; dans le gouvernement plus oriental d’Irkoutsk, la portion de ceux-ci, déjà beaucoup plus forte, n’atteint cependant que vingt pour cent : près de cent mille Bouriates environ, mi-pasteurs, mi-agriculteurs, Mongols de race et bouddhistes ou plutôt lamaïtes de religion, y vivent sur les pentes des monts Sagon, près de la frontière chinoise, et quelques autres tribus d’origine diverse errent encore dans cette province, que peuplent en tout cinq cent mille habitans.

A l’est du grand lac Baïkal, qui s’étend en croissant sur sept cents kilomètres de longueur contre cinquante à cent de largeur seulement et dont les rives montagneuses, rappelant celles des lacs d’Ecosse, forment à peu près la seule partie vraiment pittoresque de la Sibérie, on se trouve déjà dans une contrée qui a eu avec la Chine des rapports suivis : la Transbaïkalie fournissait autrefois aux fauconniers des empereurs de Pékin leurs meilleurs oiseaux ; aujourd’hui, c’est encore vers le Thibet, tributaire de l’Empire du Milieu, que se tournent les regards des nombreux sujets bouddhistes que compte la Russie en Transbaïkalie. Tout le district de Verkhné-Oudinsk, comprenant le bassin du principal affluent du Baïkal, la Selenga, est parfois et fort justement appelé la Mongolie russe. Au sommet de la chaîne de l’Ahmar Dabau, qui domine le Baïkal, j’ai vu pour la première fois un arbre fétiche, portant à toutes ses branches des chiffons multicolores, et au pied des pentes orientales j’ai trouvé un monastère de lamas. Les plateaux couverts de steppes marécageuses et de maigres bois qui s’étendent plus au nord et d’où descendent les premières eaux du Vitins, tributaire de la Lena, étaient inhabités avant l’arrivée des Russes et contiennent aujourd’hui quelques villages de pauvres moujiks ; dans la partie de la Transbaïkalie qui s’incline vers l’Amour se rencontrent de nouveau des