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LA SIBÉRIE
ET LE TRANSSIBÉRIEN

LE PAYS ET SES HABITANS

Il y a peu d’années encore, le nom de la Sibérie n’éveillait dans l’esprit des Européens de l’Ouest que l’idée de sinistres bagnes, perdus au milieu d’immensités glacées, où de malheureux forçats vivaient la plus triste des existences, sous le plus terrible des climats, astreints à l’épuisant labeur des mines, et soumis à la plus dure des surveillances. A l’aurore du XXe siècle, ce pays, qui était la « maison des morts », la terre d’où l’on ne revient pas plus que de l’autre monde, sera traversé par l’une des plus grandes voies de communication du globe et deviendra la route la plus courte entre l’Europe et l’Extrême-Orient. Dès aujourd’hui la sombre auréole qui l’entourait s’est dissipée, en même temps que cessait son isolement : on n’ignore déjà plus qu’au nord de l’Asie, comme au nord de l’Amérique, il y a mieux que des arpens de neige. Aussi le chemin de fer transsibérien n’aura-t-il pas seulement pour effet de rapprocher de l’Europe la Chine et le Japon, d’augmenter la puissance militaire et l’influence politique de la Russie dans l’Asie orientale ; il fera en outre entrer dans le cercle de l’activité universelle un immense pays que le défaut de