Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III

Il fallait cependant rassurer l’Autriche, dont le concours ou l’hostilité, ou même la neutralité, étaient d’une importance si capitale. A cet effet, Napoléon III, tout au succès de l’affaire présente, sans se préoccuper du mécontentement des Piémontais, fit insérer, le 22 février, au Moniteur officiel, l’assurance positive que, si l’Autriche s’unissait aux armées françaises et anglaises, ses provinces italiennes lui seraient garanties pendant la durée de la guerre. Hübner demanda que cette déclaration fût transformée en une convention militaire. « Très volontiers, répondit l’Empereur, pourvu que vous vous engagiez formellement à associer votre action à la nôtre. » On n’en était pas encore là à Vienne, et la négociation n’eut pas de suites. Mais, en novembre, quand l’Autriche, de plus en plus pressée par la force des choses et par les puissances occidentales, se fut enfin décidée en principe à s’unir à elles, elle subordonna sa signature à la stipulation de la convention militaire proposée par Hübner, la garantissant contre une agression révolutionnaire en Italie. On la lui accorda sans difficulté. Drouyn de Lhuys la rédigea avec l’assentiment de Clarendon, recommandant seulement de laisser un intervalle de dates entre les deux actes, afin que l’alliance ne parût ni achetée, ni payée.

Ce point réglé, tout paraissait conclu, lorsqu’un coup de théâtre se produit. On apprend (20 novembre) que la Russie, se ravisant tout à coup afin de retenir l’Autriche, acceptait comme base de négociations les quatre garanties refusées en août. L’alarme est chaude à Paris et à Londres. On envoie des instances pressantes à Vienne. « Il était temps, disait Drouyn de Lhuys, en rappelant le profit que les Russes avaient tiré de l’inaction autrichienne, d’opposer un acte formel à des soupçons en apparence trop fondés. » Malgré le désir qu’il en avait, Buol n’osa pas reculer, et à la notification de Gortchakof (du 28 novembre), il répondit qu’il n’avait pas à apprécier cette démarche et que la conclusion du traité n’empêcherait pas la Russie de prouver ses intentions, si elles étaient fermes et sincères. Le 2 décembre 1854, il donnait sa signature. L’Autriche s’engageait à poursuivre : 1° la suppression du protectorat exclusif exercé par la Russie sur la Moldavie, la Valachie et la Serbie ; 2° la libre navigation du Danube ; 3° la