dit la dépêche, « après des protestations échangées entre les deux parties dans la forme usuelle », les Anglais se retirent un peu plus loin. Braves militaires ! Combien on souhaiterait que tous les ministres de la Reine eussent autant de sang-froid, et se souvinssent comme eux qu’il y a une commission réunie à Paris pour examiner les points en litige et les régler. Beaucoup de choses en seraient facilitées.
On ne s’en est pas tenu là. Les soldats anglais, dans la boucle du Niger, ne lisent heureusement pas les journaux de leur pays. S’ils les lisaient, ils auraient appris à leur grande surprise que deux expéditions françaises s’avançaient en toute hâte dans la direction du Sokoto, et que six officiers avec une force de deux cents hommes se trouvaient déjà à Argoungou. Le sultan du Sokoto leur aurait intimé l’ordre de s’arrêter à quarante milles de sa capitale. M. William Wallace, agent général de la Compagnie du Niger, tenait ses forces toutes prêtes à marcher, avec les munitions et équipemens nécessaires, pour le cas où il recevrait l’ordre de se porter au secours du sultan. Il n’a pas reçu cet ordre, heureusement pour le sultan, qui aurait été sans doute beaucoup plus épouvanté du concours des Anglais que de l’agression des Français. Ces contes à dormir debout ont produit en Angleterre une impression merveilleuse. Pour le coup, l’opinion publique s’est émue tout entière et les interpellations ont recommencé à la Chambre des communes. M. Chamberlain y a répondu qu’il avait reçu encore un télégramme, d’après lequel les Français étaient arrivés à Argoungou au nombre de cent hommes, et commandés par quatre officiers. L’armée d’invasion, on le voit, diminuait déjà de moitié ; mais le fait de l’invasion n’en restait pas moins grave, si grave que M. Chamberlain ne voulait pas y croire. Il avait bien raison. En effet, le lendemain, le marquis de Salisbury, sans attendre aucune question, prenait l’initiative de lire à son tour à la Chambre des lords un télégramme de sir Edmund Monson, ambassadeur de la Reine à Paris, qui rendait compte d’une conversation avec M. Hanotaux. « J’ai remis à M. Hanotaux, disait sir Edmund Monson, une note attirant son attention sur les nouvelles publiées ce matin, et d’après lesquelles les Français envahiraient le Sokoto. J’ai ajouté que, si ces nouvelles étaient exactes, elles devaient être considérées comme présentant un caractère fort sérieux. M. Hanotaux m’a répondu en disant qu’il n’avait aucune connaissance d’un pareil mouvement. Si quelque chose de ce genre s’est produit, c’est non seulement sans les ordres du gouvernement français, mais contre ses désirs et ses instructions : ce gouvernement ne tient aucunement, en effet, à se rapprocher du Sokoto. M.