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davantage avec l’Espagne. Quel qu’en fût le résultat, cette guerre coûterait plus cher qu’elle ne rapporterait. Tout vient à point à qui sait attendre : les États-Unis ont assez à attendre de l’avenir pour n’avoir pas besoin de faire violence à la fortune. Mais on va quelquefois à la guerre sans le savoir, on s’y laisse entraîner sans l’avoir prévue, on la fait sans l’avoir voulue. Espagnols et Américains poursuivent des préparatifs qui sont l’indice évident d’une inquiétude que nous voudrions voir se dissiper.


Nous n’avons pas les mêmes inquiétudes au sujet des rapports de la France et de l’Angleterre, bien qu’à lire certains journaux anglais lorsqu’ils parlent de nous, on retrouverait à peu de chose près le ton des journaux américains lorsqu’ils parlent de l’Espagne. Sa part est pourtant, aujourd’hui surtout, assez belle dans le monde, pour que la Grande-Bretagne n’éprouve aucun ombrage de celle que nous tâchons de nous approprier beaucoup plus modestement. Mais on nous a accusés de violer les droits de l’Angleterre dans la boucle du Niger, de pousser nos empiétemens sur des territoires qui lui appartiennent, et cela sans même tenir compte des arrangemens que nous avons faits avec elle en 1890. Ces griefs seraient graves, s’ils étaient fondés ; ils pourraient justifier la levée de porte-plume qui s’est faite contre nous dans un si grand nombre de journaux ; ils expliqueraient les colères dont nous avons été l’objet. Seulement, ils ne sont pas fondés.

Les journaux anglais ne dissimulent d’ailleurs pas que des tendances assez diverses existent aujourd’hui chez eux, et non pas seulement dans le pays, mais dans le gouvernement lui-même. Peut-être y a-t-il là l’explication de beaucoup des choses qu’il serait, autrement, assez difficile de comprendre. Les Anglais se moquent volontiers de notre chauvinisme, lorsqu’ils ne s’en plaignent pas avec amertume ; mais, quand ils sont atteints de la même maladie, ils en éprouvent des accès dont la violence ne le cède à aucune autre. Un homme à coup sûr fort intelligent, et d’un caractère très curieux à étudier, a beaucoup contribué, depuis quelques années, à leur donner et à entretenir un de ces accès qui paraît être arrivé en ce moment à son paroxysme. M. Chamberlain, ministre des Colonies, a obtenu par-là une grande popularité ; il est peut-être, en ce moment, l’homme le plus en vue du royaume, ou pour mieux dire de l’Empire. Il est, en effet, impérialiste avant tout, et son esprit, qui ne s’est pas formé dans les anciennes traditions de l’Angleterre, ou qui les a peu goûtées, se lance éperdument