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hémorragies. Le médicament semble donc surabondant en même temps qu’inutile.

Il y a plus et, si l’on vient à tourner cet obstacle que la paroi de l’intestin oppose à la pénétration des sels de fer dans l’économie, la plus grande partie n’est pas utilisée davantage. Les composés ferrugineux qui ont été injectés sous la peau sont pris par la circulation et éliminés par la surface intestinale. Dans une expérience qui dura neuf jours, on s’assura que, sur 100 milligrammes de fer introduits à l’état de sel soluble sous la peau d’un chien, 97 environ étaient rejetés par le tube digestif. Le même fait se produit si l’on pousse directement le sel de fer dans les vaisseaux sanguins. Les choses se passent, en définitive, comme si la paroi de l’intestin jouissait par rapport au fer d’une sorte de faculté d’orientation qui lui permettrait de diriger le composé ferrugineux du dedans au dehors, mais interdirait son cheminement en sens inverse, du dehors au dedans.

Le paradoxe devient de plus en plus pressant, de l’utilité dont peuvent être, au malade chlorotique ou anémique, ces composés martiaux que l’organisme n’accepte pas. Il semble impossible de concilier cette contradiction entre l’empirisme médical et l’expérimentation physiologique. Cette impossibilité n’est pourtant qu’apparente, et un savant distingué, G. Bunge, de Bâle, a proposé une théorie qui satisfait à toutes les exigences.

Il faut d’abord remarquer qu’il y a lieu de distinguer entre les composés du fer. Nous n’avons parlé jusqu’ici que du fer minéral, c’est-à-dire des composés salins ferreux ou ferriques, à acide minéral ou organique ; ce n’est là qu’une première catégorie. Il y en a une autre dont il a été parlé plus haut à propos de la matière colorante du sang. Nous avons dit que le métal y était engagé d’une façon particulière qui le soustrayait aux réactifs habituels dont se servent les chimistes pour déceler sa présence. Il y a donc des combinaisons organiques dans lesquelles le fer est dissimulé en quelque sorte par les autres élémens qui l’accompagnent. Les chimistes opposent ces combinaisons organiques aux combinaisons minérales, ou, pour parler leur langage, le fer organique au fer minéral.

G. Bunge a fait connaître quelques-unes de ces substances, les nucléo-albumines ferrugineuses. Elles existent dans les parties de l’élément anatomique où les propriétés vitales atteignent leur plus haute expression, dans le noyau de la cellule, et, pour