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gens à qui sont refusées la plupart de ces ressources accessoires les effets du fer sont moins efficaces et moins durables ; on a beau le leur prodiguer sous toutes les formes, on ne réussit souvent qu’à fatiguer inutilement leurs voies digestives. L’aveu que la chlorose n’est pas toujours facile à guérir, a échappé à tous les véritables observateurs : Trousseau, l’un des esprits les plus pénétrans et les plus libres qui aient honoré la médecine reconnaissait que le fer n’était pas infaillible.

Malgré ces réserves, les physiologistes ne songent pas à mettre en doute l’utilité de la médication ferrugineuse, à la condition qu’elle soit considérée comme l’une de ces vérités de fait dont l’expérience des siècles a enrichi la pratique de la médecine, ainsi qu’elle l’a fait pour la pratique de l’agriculture, du jardinage et des autres arts économiques. La question n’est pas là ; elle n’est pas de pratique, elle est de science. Elle est de savoir si les explications médicales sont réellement fondées, si c’est bien ce fer que l’on administre au malade qui va se fixer dans le sang, et réparer le déficit qui constituait la maladie.

Or, les préparations minérales ferrugineuses qui sont ingérées ne sont pas absorbées. Les recherches les plus minutieuses ne permettent pas de trouver traces de cette absorption. Les expériences de Hamburger ont montré que le fer médicamenteux ingéré se trouvait tout entier rejeté avec les excréta du tube digestif. Il semble donc que la paroi intestinale soit réellement imperméable à ce grand nombre de préparations savantes que la pharmacie a multipliés. D’autre part, il serait tout à fait vain de prétendre que cette perméabilité, qui fait défaut à l’état de santé, existerait chez les malades.

Un autre argument doit être pris en considération. Si essentiel que soit le fer à la constitution de l’organisme, il n’y intervient pourtant qu’en faible quantité. Le sang, qui en contient plus que toutes les autres parties, n’en renferme encore, au total, que 2gr, 70 chez l’homme d’un poids moyen de 70 kilogrammes ; la quantité, naturellement, est moindre chez l’adolescent et chez la jeune fille. Les oscillations que peut subir le fer du sang du fait de la maladie portent donc sur des quantités extrêmement minimes. Les alimens dont on fait usage en contiennent plus qu’il n’en faut pour couvrir les besoins. Et de fait, on a constaté qu’une alimentation normale suffisait à réparer les pertes de sang consécutives aux saignées répétées ou aux plus grandes