Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Paul : Melius est nubere quam uri. En ce qui concerne le médecin, c’est à la médication ferrugineuse qu’il doit avoir recours. Depuis les temps hippocratiques, cette médication n’a pas cessé d’être en faveur : elle est devenue populaire ; et, en effet, sous son influence, on voit en quelques semaines les malaises disparaître, l’anhélation cesser, le cœur se régulariser, l’appétit renaître, les nerfs se calmer et le teint refleurir.

Ce n’est pas seulement dans les pâles couleurs que triomphe la médication ferrugineuse ; c’est aussi dans certaines formes d’anémie qui offrent d’ailleurs une ressemblance assez étroite avec la chlorose, au point de vue des symptômes et de la cause qui les provoque. Cette vertu du fer pour la guérison de certaines anémies a reçu une démonstration mémorable, au commencement du siècle, dans la célèbre épidémie des mineurs d’Anzin. Hallé, qui était une des lumières de la médecine à cette époque, — et dont le nom survivra parce qu’il eut, entre autres mérites, celui de créer en France l’enseignement de l’hygiène, — observa avec soin ces malades. Il fut frappé de leur pâleur, et l’un d’eux étant venu à mourir, il remarqua, au cours de l’autopsie, l’état de vacuité presque complète du cœur, la décoloration du peu de sang qui s’y trouvait, la flaccidité et la teinte blanche des parois musculaires. Ces signes d’un appauvrissement du sang (anémie) lui furent un trait de lumière ; il y vit une indication formelle de la médication par le fer. Et, en effet, l’épidémie fut arrêtée net.

Ce sont des exemples de ce genre qui ont fondé l’inébranlable confiance des médecins dans la souveraine vertu du fer contre la chlorose et l’anémie. La conviction de son efficacité est bien loin d’être aussi affermie chez les physiologistes et les chimistes. Menghini, l’un d’entre eux, en 1757, avait reconnu que le fer que l’on savait déjà exister dans l’économie animale était localisé dans le sang, et spécialement dans la partie rouge de celui-ci, de telle sorte que la couleur du sang se liait à la quantité du métal : « sang riche en fer est riche en couleur, sang pauvre en couleur est pauvre en fer ». Cette doctrine du fer sanguin fut universellement adoptée. Elle est restée en vigueur jusqu’à ces dernières années : « La seule partie du corps qui renferme du fer est le sang ; la seule partie du sang qui renferme du fer est le globule rouge. » Dans la réalité, il y a chez l’homme et chez les vertébrés deux autres organes qui sont riches en fer, le foie