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au nôtre l’opinion vague de la précellence du fer et un petit nombre de préparations ferrugineuses. Celles-ci se sont multipliées à un degré infini depuis cette époque, et c’est par centaines qu’il faut les compter aujourd’hui. Il serait oiseux de les énumérer ; il suffit de comprendre le principe ou les principes de cette foisonnante multiplication.

Il a fallu d’abord renoncer à la plupart des préparations minérales à base d’oxyde ferrique parce qu’elles sont d’ores et déjà insolubles et par conséquent incapables de s’insinuer dans les tissus, ou parce qu’elles le deviennent au contact des matières organiques dans l’appareil digestif même où elles se précipitent sous la forme solide, coagulée. On n’a conservé qu’un petit nombre de composés de ce genre que l’on réussissait à maintenir en solution par quelque artifice ; tel par exemple le pyrophosphate ferrique qui est rendu soluble par le citrate ammoniacal.

On s’est donc adressé à une première catégorie de substances solubles, sels de fer à acide organique, sels nécessairement ferreux puisque l’oxyde ferrique est trop faible pour saturer des acides qui eux-mêmes sont peu énergiques. Et c’est ainsi que l’on a introduit dans la thérapeutique les citrates, tartrates, lactates, malates, oxalates de fer.

On a utilisé en second lieu une autre catégorie de substances qui, bien qu’insolubles primitivement, sont susceptibles d’être solubilisées par les sucs digestifs. Telles sont les préparations métalliques, limaille de fer, fer réduit, les oxydes obtenus à froid, le carbonate ferreux. Dans le canal alimentaire, tous ces corps passent à l’état de composés ferreux solubles. La solubilité est, en effet, la condition préalable imposée à toute substance destinée à modifier l’organisme. Ce n’est point dans le tube digestif que le médicament rencontre les élémens vivans et agissans de l’économie : il faut, pour les atteindre, qu’il traverse la paroi intestinale et se répande de l’autre côté de cette barrière.

Enfin, dans cette liste de médicamens, on a donné la préférence à ceux qui offensaient le moins cruellement le goût. Les ferrugineux offrent une saveur désagréable, saveur styptique, c’est-à-dire à la fois âpre et astringente comme celle de l’alun, prolongée par un arrière-goût d’encre (atramentaire). Cet inconvénient est peu marqué dans le tartrate ; il est entièrement dissimulé dans quelques autres sels de fer si l’on a soin d’y ajouter du citrate d’ammoniaque.