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à sire Jean de Luxembourg, lequel la revendit aux Anglais pour une somme de dix mille francs ; et elle fut enfermée à la tour de Rouen dans une cage de fer ; et ils l’enchaînèrent aux pieds, aux mains et au cou, et elle ne vécut que de pain et d’eau, gardée et molestée jour et nuit par trois soldats anglais.

Et ils résolurent de la faire mourir non pas tout simplement, mais après qu’ils l’auraient déshonorée, sa personne et ses faits, en jugeant sa personne comme sorcière et ses faits comme du démon.

Et ils nommèrent au-dessus d’elle un tribunal inique de lettrés et de pharisiens appartenant à l’Université de Paris, et par-dessus ces juges, ils instituèrent Cauchon, évêque de Beauvais. Et ils donnaient vingt sous par jour aux membres de ce tribunal ; à ceux qui voulaient sa mort, ils firent des cadeaux ; à l’évêque Cauchon, ils offrirent l’évêché de Rouen.

Or, il y eut plus de quarante interrogatoires et bien des douleurs dans cette prison, mais Jeanne la martyre endura tout et resta fidèle à ses actes et à ses voix.

Et quand ils virent qu’ils ne pouvaient rien contre elle, ils ourdirent l’histoire d’un prétendu renoncement à des péchés qu’elle n’avait pas commis et d’une rechute dans ces mêmes péchés.

Et c’est pourquoi ils la condamnèrent. Et Cauchon lui parla ainsi : « Tu es retombée à tes crimes et à tes mensonges ainsi que le chien retourne à son vomissement. Nous te retranchons comme un membre pourri de la communion de l’Église et te livrons au bras séculier, lui demandant d’adoucir son jugement en t’évitant la mort et la mutilation des membres. » Car c’est avec cette pitié que procédaient les juges ecclésiastiques quand ils voulaient faire brûler quelqu’un ; ils ajoutaient d’autres fois : sans effusion de sang. Et ils la brûlèrent. Et sa dernière parole fut : Jésus !


Général DRAGOMIROF.