Augustins. Jeanne, sans attendre que toute la troupe eût débarqué, se lança contre la bastille et vint planter son étendard au bord de la contrescarpe, juste au-dessus du fossé. Mais à ce moment, des voix s’écrièrent que des Anglais en grand nombre arrivaient de la rive droite pour secourir Glasdale ; les Français fuyant en désordre vers leurs bateaux entraînèrent Jeanne à leur suite. Déjà la garnison anglaise, sortie du retranchement, se jetait derrière elle « avec grand alarme et propos injurieux » quand Jeanne se retourne, et, baissant sa lance charge avec son cri ordinaire : « En nom Dieu ! » La Hire et les siens font diligence derrière elle ; les autres se rejoignent à lui ; les Anglais épouvantés tournent les talons et ne s’arrêtent qu’à l’abri du rempart. Lancés à leur poursuite, les Français enlèvent le retranchement, mais Jeanne voulant éviter le pillage et le désordre desquels l’adversaire eût pu profiter pour revenir à l’attaque, fait évacuer et brûler l’ouvrage. Elle y laisse un détachement pour observer le fort des Tourelles qu’elle compte attaquer dès le lendemain, et revient à Orléans.
Les chefs de l’armée furent d’un autre avis ; ils craignaient qu’un revers ne compromît les résultats acquis, et peut-être, en secret, craignaient-ils davantage encore que la Pucelle, par un nouveau et décisif succès, ne les éclipsât tout à fait. Réunis le soir en conseil, Jeanne absente, ils lui envoyèrent annoncer qu’on n’entreprendrait rien avant l’arrivée de nouveaux renforts. « Vous avez été à votre conseil et j’ai été au mien, leur répondit-elle ; le conseil de Dieu s’accomplira et non pas celui des hommes ! Nous combattrons demain. »
Le lecteur en conviendra, Jeanne devenait vraiment impossible ; on décida qu’on emploierait la force pour la retenir. Gaucourt ordonna de fermer toutes les issues ; lui-même garda la porte de Bourgogne, par laquelle les détachemens étaient sortis pour les attaques des précédentes journées.
Le 7, dès l’aube, Jeanne monta à cheval après avoir promis à ses hôtes que le soir, elle rentrerait dans la ville par le fort des Tourelles et par le pont ; elle annonçait aussi qu’elle serait blessée. Les troupes la suivaient, puis la masse populaire. Devant la porte de Bourgogne, Gaucourt déclara qu’il ne laisserait sortir personne. « Vous êtes un méchant homme, s’écria Jeanne ; que vous le vouliez ou non, les hommes d’armes vont passer. » Gaucourt sentit alors, devant le flux de ce peuple excité, que sa vie