la troupe avaient à remonter jusqu’à Chécy, point situé à huit kilomètres de la ville ; lèvent d’est, joint à la force du courant, les empêchait d’atteindre cet embarcadère éloigné.
On comprend dans quelle posture se trouvaient maintenant vis-à-vis de Jeanne ces sages qui avaient cru prouver contre elle leur profonde sagesse. « Vous avez voulu me tromper, et vous vous êtes déçus vous-mêmes… Le conseil du roi du Ciel est meilleur que le vôtre ! » Étrange impression, pour ces gentilshommes, guerriers émérites, que de s’entendre ainsi moquer par une paysanne de dix-huit ans ! C’est qu’à ce grand livre auquel les ronge-lettres de la science ont dû si souvent retourner lire leur confusion, des pages nouvelles s’ajoutaient justement, écrites pour les militaires et destinées, cette fois encore, à les surprendre désagréablement.
D’après le témoignage d’un de ses ennemis, Gaucourt, Jeanne avait prédit que le vent tomberait : ainsi advint-il en effet, et les bateaux passant sans encombre devant les bastilles, atterrirent à hauteur de Chécy. Leur nombre insuffisant ne permit que d’embarquer les vivres et de transporter Jeanne avec deux cents cavaliers ; le reste retourna à Blois d’où il ne revint par la rive droite que le 4 mai. C’étaient quatre jours entièrement perdus ; et Jeanne économisait le temps, sachant qu’elle ne devait pas durer plus d’une année.
Le peuple la reçut dans la ville comme il l’avait accueillie partout ailleurs ; « hommes, femmes et enfans montraient tant de joie comme s’ils veissent Dieu ».
D’Orléans, Jeanne enjoignit de nouveau aux Anglais de lever le siège et de sortir de France. Les généraux ennemis répondirent par des injures, « la nommant vachère, ribaude, et promettant de la brûler s’ils la prenaient. » Enfin, à la troisième fois, elle alla porter elle-même son cartel ; elle s’avança sur le pont, et sans doute parla du haut de la traverse que les Français avaient construite en arrière des arches brisées. Glasdale, qui commandait le fort des Tourelles, et les soldats de la garnison insultèrent Jeanne en termes si grossiers qu’elle versa des larmes de colère et de honte ; elle répliqua à son tour qu’ils en avaient menti, que les Français les mettraient hors, mais que Glasdale ne le verrait pas. En effet, le jour du grand assaut, Glasdale tomba dans la Loire et se noya.
Le 2 mai, Jeanne passa le long des retranchemens anglais de