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qui y subsistaient. Les résultats précis, positifs, méthodiquement décrits et mesurés, étaient fixés par une carte et par un plan exécutés avec une habileté toute particulière.

Chercher, dans la Grèce actuelle, quel fut, pour l’ensemble et les détails, l’aspect, la figure physique de la Grèce ancienne, c’est, selon la juste expression dont aimait à se servir M. Guigniaut, faire de la géographie et de la topographie comparées. L’un des deux termes de la comparaison est là, devant les yeux de l’explorateur. Où prendre l’autre ? Chez les auteurs grecs évidemment, en les consultant d’abord chacun à part, puis en les contrôlant l’un par l’autre. Dans cette enquête, le témoin le premier en date, c’est Homère.

J.-J. Ampère, qui était de l’Académie française, et aussi de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres, et, de plus, voyageur perpétuel, a publié, dans un de ses livres, un charmant essai sur la Poésie grecque en Grèce[1]. Il s’y complaît à faire ressortir l’absolue exactitude des descriptions ainsi que de la géographie et de la topographie homériques. Ces pages étaient connues à Athènes, en 1847 ; les Hellènes lettrés et savans les goûtaient. Elles répondaient à notre vive curiosité ; elles excitaient en nous le désir de les trouver véridiques. Bientôt elles nous semblèrent telles, et l’auteur devint un inspirateur, presque un guide, presque un modèle. Toutefois cette appréciation ne fut pas unanime ; il y eut un dissident déclaré, irréconciliable. Ce fut le plus jeune de la troupe, A. Grenier, dont l’humeur belliqueuse, toujours prompte à la contradiction, était d’ailleurs servie par le savoir et une parole incisive. Sa réfutation de J.-J. Ampère, et du colonel Leake, et de Dodwell, et de nous par conséquent, se répétait souvent à la promenade, surtout pendant les repas ; et la discussion s’enflammait vite. Quinze ans plus tard, cette polémique de notre bouillant camarade prenait la forme d’un livre, court, mais très plein, intitulé : Idées nouvelles sur Homère, où débordait une verve ironique.

Certes, il y a dans Homère des épithètes générales, poétiques, je dirais presque musicales, qui n’ont aucune signification spécifique. Elles sont appliquées à des hommes, à des lieux, à des êtres très différens, comme si elles tendaient à exprimer non ce que le poète a vu, mais ce que son imagination a rêvé, ce qui a été

  1. La Grèce, Rome et Dante. Études littéraires. L’essai a paru ici même : 15 juin et 1er juillet 1844.